Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Au caf'e ? Non, montons plut^ot. J’habite au-dessus, nous serons plus `a l’aise pour causer.
— Croyez-vous, comme ces gens de la police sont extraordinaires ! Voil`a qu’on m’emp^eche d’entrer dans l’appartement de mon oncle.
— Ils n’en font jamais d’autres.
Cependant, il avait referm'e la porte derri`ere son h^ote et le faisait s’installer dans son petit salon.
— C’est gentil chez vous, observa Fernand Ricard. Vous vivez seul, l`a-dedans ?
— Mon Dieu, oui.
— Et vos repas ? O`u prenez-vous vos repas ?
— Ma foi, ca d'epend… au restaurant… chez des amis.
— Vous ne mangez jamais chez vous ?
— Jamais, c’est beaucoup dire, quelquefois… Mais pourquoi ces questions ?
— Parbleu, parce que, si vous aviez eu une maison mont'ee, je vous aurais plac'e du vin. Une occasion excellente en ce moment. Cent douze francs la barrique. Rendu franco en cave. Quelque chose de merveilleux. Enfin, ce n’est pas de cela dont il s’agit pour le moment.
— En effet, dit Fandor, revenons-en `a l’oncle Baraban.
— Ah le pauvre homme ! Croyez-vous, tout de m^eme, que c’est malheureux. Un si brave type ! Se faire assassiner comme ca ! C’est 'epouvantable. J’'etais `a Londres, en train de traiter une grosse affaire de Bordeaux, lorsque j’ai appris ce malheur. Vous pensez si j’ai saut'e !
— Je comprends.
— Saut'e en l’air d’abord, car j’'etais surpris, et saut'e dans le train aussit^ot ensuite, pour arriver le plus vite possible `a Paris. J’ai pass'e par Douvres, Calais. Le temps de manger un morceau `a la gare et je suis tomb'e ici. Ah, comment m’a-t-on recu. Un chien dans un
— Je m’en doute. Enfin, peut-^etre qu’elle va pouvoir fournir quelques renseignements qui permettront `a la justice de faire la lumi`ere sur ce singulier 'ev'enement.
Ricard changea de couleur :
— Qu’est-ce que vous dites ? interrogea-t-il, ma femme va parler `a la justice ?
Fandor souriait. Il tira sa montre :
— Trois heures, dit-il. Selon toute probabilit'e, M me Ricard est actuellement en t^ete `a t^ete avec mon ami Juve, tout comme je suis en t^ete `a t^ete avec vous, Monsieur Ricard.
— Ah, que c’est ennuyeux.
— Pourquoi donc ?
— Oh, c’est ennuyeux sans l’^etre. Alice n’a rien `a se reprocher, ni moi non plus, d’ailleurs. Mais enfin, vous connaissez les dames, ca bavarde toujours maladroitement. Ca raconte un tas de choses inutiles, et j’aurais mieux aim'e que ce soit moi `a qui M. Juve vienne demander des renseignements.
— Juve peut-^etre sera `a sept heures `a Paris, ce soir m^eme. Attendez-le donc.
— Je ne peux pas, j’ai promis de rentrer, il faut que je rentre. Songez donc, Alice doit se faire de la bile, `a l’id'ee que je ne suis pas l`a. Moi, je prends le train de quatre heures, zut pour le reste !
Et il se dirigea vers la porte :
— Dr^ole de type, pensait Fandor, assez interloqu'e par l’attitude du courtier en vins. Voyons, dit-il, deux mots encore pour l’interview.
— Qu’est-ce que vous voulez savoir ?
— Dame, dit Fandor, des d'etails. Quelques renseignements sur votre oncle, M. Baraban. Quelle sorte d’homme 'etait-ce ?
— Quelle sorte ? Je n’en sais rien moi, un homme comme les autres. Il avait cinquante-cinq ans environ. Soixante peut-^etre. Un brave type, pour ca oui, et n’engendrant pas la m'elancolie. Il savait rigoler et levait le coude plus souvent qu’`a son tour.
— Ah, ah, remarqua Fandor, vous faisiez la noce ensemble ?
— Jamais de la vie, monsieur ! Je suis un homme rang'e, mari'e, moi, mais l’oncle Baraban 'etait c'elibataire, et dame, vous savez, les c'elibataires s’en payent tant qu’ils peuvent. Le vieux Baraban n’avait certainement pas encore d'etel'e. Ca, c’est 'ecrit sur la figure des gens. Ca se voit `a leur mani`ere, `a leurs v^etements. Baraban toujours 'el'egant, toujours parfum'e, tir'e `a quatre 'epingles, devait appr'ecier les jolies femmes. Assez ais'e avec cela.
— Il 'etait riche ? interrogea Fandor qui ajoutait clignant de l’oeil : c’est une consolation. Vous allez h'eriter !
— Heu, je ne sais pas, ce n’est pas l’heure de s’occuper de ca. En tout cas, nous ne toucherons pas grand-chose, le vieux 'etait 'ego"iste, il a d^u fourrer tous ses biens en viager. Trois heures et demie, s’'ecria-t-il, il faut que je parte. Au revoir, monsieur.
Cependant qu’il descendait l’escalier `a pas pr'ecipit'es, Ricard cria `a Fandor :
— Si vous tartinez quelque chose dans votre journal vous pourrez dire que je suis furieux contre la police. Franchement, ils auraient pu donner des ordres pour qu’on me laisse entrer dans l’appartement de mon oncle. Je sais bien que cela ne servait `a rien, mais enfin c’est une satisfaction qu’on ne devrait pas refuser aux personnes de la famille.
— Comptez sur moi.
— Et puis, vous savez, quand toutes ces histoires-l`a seront finies, je reviendrai vous voir. On causera de cette affaire de vin. Occasion 'epatante en ce moment. Vous m’avez l’air d’un bon garcon, je vous en ferai profiter.
D'ej`a Fernand Ricard s’'eloignait `a grands pas, courait dans la direction de la gare Saint-Lazare.
Au moment o`u il sortait de la maison de la rue Richer, le courtier en vins se heurta `a un grand jeune homme au visage boulevers'e qui demandait `a la concierge, d’une voix tremblante :
— Monsieur Fandor est-il chez lui ?
— Je ne l’ai pas vu sortir, r'epondit la brave femme qui ne voulait pas compromettre son locataire et n’affirmait rien.
Le grand jeune homme au visage boulevers'e trouva la r'eponse suffisamment rassurante et s’engagea dans l’escalier, monta les quatre 'etages. Quelques instants plus tard, il 'etait en face de Fandor qui s’'ecriait en le voyant :
— Jacques Faramont ! Ah, par exemple, quelle surprise ! Quel bon vent vous am`ene ?
— Quel bon vent ? dites plut^ot quel cataclysme, quelle temp^ete ! Vous voyez devant vous, mon cher Fandor, un malheureux boulevers'e, atterr'e…
— Je ne m’en doutais pas du tout, fit joyeusement le journaliste, cependant qu’il d'esignait un si`ege `a son visiteur. (D'ecid'ement, pensait Fandor, j’ai bien fait de ne pas sortir de chez moi, je fais recette, ca ne d'esemplit pas).