Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Et cela 'etabli, disait le policier, on tente de d'emontrer que, peut-^etre bien, M. Havard, il n’y a pas crime. Le principal argument en faveur du crime, c’'etait en effet que vous teniez les assassins. Or, les assassins sont innocents. M. Havard, je vous dis qu’il y a fugue !
Obstin'ement, Juve en revenait `a ses th'eories. M. Havard lui r'epondit convaincu :
— Je n’ai pas d’assassins en ce moment, reconnaissait en effet le chef de la S^uret'e, mais je suis ici pour en chercher. Voyez-vous, Juve, il y a vraiment trop de sang dans cette pi`ece pour que je croie `a une fugue.
Juve, `a ces mots, se contenta d’esquisser un geste de doute :
— Mise en sc`ene, dit-il. Rien que mise en sc`ene !
`A quoi, M. Havard avec le m^eme geste de doute, r'epondit :
— C’est une explication qui n’explique rien.
Les deux hommes, d`es lors, se lev`erent. Juve comprenait bien que M. Havard 'etait sinc`ere, et M. Havard avait, au fond de lui-m^eme, une trop grande confiance en Juve pour le soupconner de parti pris.
— Voulez-vous que nous cherchions ensemble la v'erit'e ? proposa-t-il.
— Accept'e.
— Eh bien, perquisitionnons !
Une besogne longue, compliqu'ee, d'esagr'eable, commenca.
Juve et M. Havard, pi`ece par pi`ece, fouill`erent chaque meuble, examin`erent les papiers, v'erifi`erent le moindre d'etail du d'esordre.
Et, tout d’abord, ils ne trouv`erent rien. C’est seulement apr`es trois heures de recherches, que Juve poussait un cri de surprise :
— Monsieur Havard, appela-t-il.
— Quoi donc ?
— Venez vite !
M. Havard 'etait `a ce moment-l`a dans la salle `a manger. Il accourut pour trouver Juve accroupi sur le tapis de la chambre `a coucher.
— Vous avez trouv'e quelque chose ? demanda-t-il.
— Regardez ! r'epondit Juve.
Le policier d'esignait du doigt tendu une chemin'ee, dont la trappe 'etait baiss'ee, et que M. Havard consid'era quelques instants en silence.
— Eh bien ? interrogea le chef de la S^uret'e, qui semblait ne pas comprendre. Qu’est-ce qu’il y a de ce c^ot'e-l`a ?
— Il y a du sable, r'epondit Juve.
Cette fois, M. Havard bondit en avant :
— Du sable ? r'ep'etait-il. Dieu me pardonne, mais vous avez raison.
Juve, en effet, ne se trompait pas. Sur le marbre de la chemin'ee, il y avait des traces de sable, qui, chose curieuse, semblait avoir gliss'e par-dessous les t^oles de la trappe.
— Qu’est-ce que cela veut dire ? commenca M. Havard. Quelles conclusions en tirez-vous ?
Juve se releva et s’approcha de la chemin'ee.
— Jusqu’`a pr'esent, disait-il, je ne conclus pas, je constate. Il y a du sable, voil`a tout. Je ne l’avais pas vu le premier jour, et cela m’'etonne.
Juve, en parlant, relevait du bout de sa bottine, la trappe de la chemin'ee.
Une exclamation alors, exclamation de surprise, d’angoisse aussi, s’'echappa de ses l`evres :
— Bon Dieu, dit le policier, c’est invraisemblable !
La trappe lev'ee, Juve et M. Havard venaient de d'ecouvrir que la chemin'ee 'etait remplie de sable, de gros sable, et que ce sable 'etait rouge, rouge de sang.
— Je ne comprends pas, murmura le chef de la S^uret'e.
Juve, lui, ne disait rien. Il s’'etait arm'e de pincettes et fouillait parmi l’amas de terre.
— Oh, oh, fit-il d’un coup, devenant tr`es p^ale.
M. Havard lui aussi, paraissait tr`es 'emu.
— Qu’est-ce que c’est que cela ? demanda-t-il.
Au bout de sa pincette, Juve agitait maintenant un chiffon, une loque, une loque rouge.
— Un mouchoir, d'eclara-t-il, c’est un mouchoir.
M. Havard ajoutait en insistant :
— Et un mouchoir plein de sang.
Mais d'ej`a, Juve avait 'etal'e la loque sur le sol, il l’examinait en tous sens.
— C’est bizarre, constatait le policier. Il y a des initiales. Je ne comprends pas comment des assassins sont assez sots pour laisser derri`ere eux des pi`eces si compromettantes.
Le ton ironique dont se servait Juve 'echappait cependant `a M. Havard.
Le chef de la S^uret'e, en effet, interrogeait `a nouveau :
— Vous voyez des initiales ? Lesquelles ?
— Celles-ci, riposta Juve : A. R.
Puis il questionnait :
— Qu’avez-vous donc Monsieur Havard ?
La question de Juve 'etait justifi'ee, car M. Havard brusquement, venait de se frapper le front, `a la facon d’un homme qui d'ecouvre soudain une v'erit'e jusqu’alors insoupconn'ee.
— Ce que j’ai ? criait-il, mais j’ai que la chose est claire. A. R. Parbleu, cela veut dire : Alice Ricard ! Eh, voil`a l’explication de tout ! Juve, entendez-vous : A. R. Alice Ricard. Ce mouchoir a servi `a un des assassins. C’est 'egalement dans ce sable que les assassins ont d^u enfouir le cadavre du mort et par cons'equent…
— Ah ca, disait le policier, qu’imaginez-vous donc encore ?
— Juve, d'eclarait-il, je n’imagine rien, je comprends tout simplement.
Et il expliqua :
— Baraban a 'et'e tu'e par Alice Ricard, aid'ee de son mari probablement. Le crime fait, ils ont mis le cadavre dans la malle, la malle verte que nous avons trouv'ee. Le cadavre ballottait, naturellement. Pour l’emp^echer de se vider, pour boire le sang, les assassins ont combl'e la malle avec du sable, le sable que nous retrouvons. Je suppose que ce mouchoir sanglant est rest'e l`a par m'egarde.
M. Havard s’interrompit pour demander :
— Voyons, Juve, vous me suivez bien, je pense ? Vous ^etes de mon avis maintenant ?