Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Juve parlait avec une grande autorit'e, ayant l’air de poss'eder une certitude absolue.
Il r'ep'eta apr`es quelques instants de silence :
— Je le sais, voyons. Avouez ! C’est vrai ?
Alors Alice Ricard perdit compl`etement la t^ete. La jeune femme 'eclata en sanglots nerveux.
— Monsieur, b'egaya-t-elle, je ne sais pas ce que je dois vous r'epondre, Si mon mari savait ? Il est d'ej`a si malheureux depuis la mort de mon pauvre oncle. Ah, monsieur…
— Madame, affirma Juve, je ne pr'eviendrai pas M. Ricard. Mais dites-moi, vous reconnaissez bien avoir 'et'e la ma^itresse de M. Baraban ? C’est bien vous qui ^etes photographi'ee ici ? C’est bien vous qui alliez avec lui au Crocodiled’abord, au Nocturn-H^otelensuite ?
Alice Ricard, `a ce moment, se jeta aux genoux de Juve :
— Monsieur, monsieur, j’avoue tout ce que vous voudrez, criait la jolie femme, mais, de gr^ace, que mon mari ne sache rien !
— Soyez donc tranquille, madame, je vous promets la discr'etion.
— Songez que si Fernand se doutait que j’ai 'et'e la ma^itresse de notre oncle, ce serait notre m'enage `a jamais malheureux.
— Mais, madame…
Juve commencait `a ^etre g^en'e du d'esespoir de la jeune femme.
`A cet instant, il comprenait fort bien, d’ailleurs, pourquoi Alice Ricard s’'etait tue, pourquoi, alors que de tout c^ot'e il cherchait la femme qui pouvait avoir connu Baraban, elle n’'etait point venue dire qu’elle 'etait la ma^itresse du vieillard.
Alice Ricard, `a coup s^ur, avait surtout tenu `a 'eviter que son mari ne f^ut renseign'e.
— C’est une petite madame Bovary, pensait Juve. Parbleu, c’est l’'eternelle histoire, l’oncle 'etait riche, il donnait des sous, le mari n’en savait rien.
Et, en m^eme temps, Juve songeait, t^etu comme toujours :
« Assur'ement, le drame va s’expliquer maintenant d’un instant `a l’autre. Je parierais que d’ici quelques minutes, Alice Ricard va m’avouer que son oncle est vivant, bien vivant, qu’il a fait le mort pour tromper le mari, et qu’elle-m^eme s’appr^ete `a le rejoindre d`es que le scandale sera 'etouff'e.
Juve allait cuisiner encore la jeune femme dans ce sens, lorsque `a l’improviste deux personnages entr`erent dans le salon.
L’un 'etait Fernand Ricard, l’autre 'etait Michel, l’inspecteur de la S^uret'e.
18 – BARABAN, MORT OU VIF ?
`A l’apparition de Fernand Ricard et de l’inspecteur Michel, Juve et Fandor, 'egalement surpris, se lev`erent d’un m^eme mouvement, cependant que la jolie Alice, encore tr`es 'emue, s’'elancait vers son mari.
Juve pouvait ^etre 'etonn'e `a bon droit.
Que Fernand Ricard rentr^at chez lui, cela n’avait 'evidemment rien d’exorbitant, mais qu’il y rev^int en compagnie de Michel, c’est-`a-dire de l’inspecteur de la police parisienne, c’'etait inattendu.
Juve remarqua en un instant que le courtier en vins paraissait pr'eoccup'e, qu’il froncait les sourcils, qu’il gardait la t^ete basse, qu’en un mot, il semblait violemment 'emu. Michel, tout au contraire, 'etait souriant, impassible, avait l’air de la meilleure humeur.
Qu’est-ce que tout cela signifiait ?
Le Roi des Policiers voulut en avoir le coeur net :
— Michel, demandait-il, que faites-vous ici ?
Mais Michel, au lieu de r'epondre directement `a Juve, s’adressait `a Alice Ricard :
— Madame, annoncait l’inspecteur de la S^uret'e, je suis charg'e par M. Havard de vous prier de vous tenir `a ma disposition. Veuillez donc imm'ediatement me remettre les objets que vous pouvez avoir sur vous.
Juve, `a ce moment, haussait les 'epaules.
« C’est idiot, pensait Juve. Havard n’en fait jamais d’autres. Il a d^u se d'ecider `a faire cette gaffe avant-hier soir, en raison de la d'ecouverte du mouchoir sanglant rue Richer. Parbleu, il veut aller trop vite.
»Et Juve ouvrait la bouche pour questionner encore Michel, lorsque celui-ci se retourna vers lui :
— Chef, disait l’inspecteur, je vous pr'eviens que le patron est l`a.
Juve, alors, sursauta encore :
— M. Havard est ici ? demanda-t-il. O`u donc ?
— Dans le jardin, chef, et vous feriez peut-^etre bien d’aller lui causer.
Laissant Fandor dans le salon, Juve se pr'ecipita vers le perron de la villa pour aller aux nouvelles.
Il n’eut pas loin `a courir. `A peine 'etait-il apparu hors de la porte d’entr'ee, qu’une voix le h'elait :
— Tiens, vous ^etes ici, Juve ?… Venez donc, mon bon. Ah, vous savez, je crois que cette fois vous ne pourrez plus invoquer l’hypoth`ese de la fugue ?
C’'etait M. Havard qui interpellait le policier et M. Havard paraissait joyeux au-del`a de toute expression.
`A peine Juve, d’ailleurs, 'etait-il `a ses c^ot'es, que le chef de la S^uret'e lui serrait cordialement la main :
— Mon bon Juve, d'eclarait-il, j’ai la victoire et la victoire d'efinitive. Au fait, vous savez que nous venons de cueillir Fernand Ricard `a la gare de Vernon ?
— Je m’en suis dout'e, r'epondit Juve froidement, en voyant entrer ce malheureux courtier en compagnie de Michel. Mais je vous avoue que je ne comprends rien `a la situation. Patron, vous vous ^etes d'ecid'e `a cette arrestation en raison de la d'ecouverte du mouchoir trouv'e hier rue Richer ?
— En raison de cela, et en raison d’autre chose.
M. Havard souriait toujours. Il imposa silence `a Juve de la main, et appela :
— Monsieur l’inspecteur, passez-moi donc la pi`ece `a conviction !
Il y avait, `a quelques pas du chef de la S^uret'e, un groupe d’individus parmi lesquels Juve distinguait un personnage qui devait ^etre un ouvrier de Vernon et qui s’entretenait avec un homme habill'e de noir, tournant le dos `a Juve.
Cet homme accourut :