Чтение онлайн

ЖАНРЫ

Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
Шрифт:

D’ailleurs, l’attitude qu’il avait avec Alice Ricard 'etait probante. C’'etaient bien un amant et sa ma^itresse que Juve entendait d'esormais bavarder famili`erement dans un bourdonnement confus, cependant qu’ils interrompaient leur entretien, de temps `a autre, par des bruits de tendres baisers et par des silences significatifs.

Juve triomphait. Sa th`ese avait 'et'e la bonne, et avant le soir, il l’aurait d'emontr'e. Que lui restait-il `a faire d'esormais si ce n’'etait d’arr^eter Baraban, arr^eter Alice, les faire tous les deux s’expliquer ?

Mais Juve, `a ce moment, sursauta. Il venait, tout d’un coup, de songer `a nouveau aux lettres d'ecouvertes par lui, la veille, dans la petite maison des Ricard, `a Vernon. Il avait cru, tout d’abord, qu’il s’agissait l`a d’une mise en sc`ene, de lettres r'edig'ees dans un sens tel qu’elles allaient duper la police.

D'esormais, Juve se demandait si les Ricard n’avaient pas dit l’un et l’autre la v'erit'e, s’il ne se trouvait pas d'esormais en pr'esence d’une simple et vulgaire intrigue d’amour, et si le malheureux Fernand ne s’'etait pas vraiment suicid'e ?

Depuis trois heures, Juve n’avait pas de nouvelles de Fandor. Le journaliste avait-il donc perdu la piste de Fernand Ricard ? Fallait-il adopter la th`ese de la S^uret'e de Cherbourg qui pr'etendait que le passager Ricard avait d^u, au cours de son voyage en paquebot, tomber ou se jeter `a l’eau ?

Juve ne tenait plus en place, tant il 'etait impatient d’agir, de savoir. Il arma son revolver, le mit dans sa poche, puis quitta sa chambre et s’avanca dans le couloir.

Le couloir 'etait obscur, et en fr^olant les murs de ses mains, le policier cherchait les moulures lui indiquant la porte de la pi`ece o`u se trouvaient les deux amants myst'erieux.

Juve s’arr^eta devant le 44 lorsque soudain il r'eprima un geste de surprise. Une main venait de se poser sur son 'epaule, tandis que quelqu’un murmurait `a son oreille, d’une voix cordiale et railleuse :

— Bonjour Juve.

— Fandor ! dit le policier.

Puis, tous deux se firent mutuellement signe de baisser la voix.

Leurs yeux, cependant, s’'etaient accoutum'es `a l’obscurit'e. Les deux amis se consid'eraient, stup'efaits :

— Ah ca, te voil`a Fandor ? Que fais-tu donc ? Explique-moi.

— Me voil`a, en effet, Juve, aussi surpris de vous voir que vous ^etes 'etonn'e d’^etre en face de moi. On a raison de le dire, il n’y a d'ecid'ement que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

— Explique-toi, bon Dieu !

Mais Fandor, `a son tour, coupait la parole `a Juve. Du doigt, il d'esigna la porte de la chambre 44 :

— Eh bien Juve, ils sont l`a.

— Je sais, j’occupais la chambre voisine, le 46.

Il avait l’air fort satisfait, le bon Juve, en annoncant `a Fandor qu’il 'etait depuis longtemps d'ej`a au courant de ce que Fandor pr'etendait lui annoncer. Mais le journaliste ne se d'econcertait pas pour si peu, et tr`es heureux de l’effet qu’il produisait lui-m^eme, il d'eclara :

— Eh bien, moi, Juve, j’habite la chambre 42.

Le policier, cette fois, 'etait abasourdi.

— Ah par exemple, grogna-t-il, quel malheur que je ne l’aie pas su. Il y a longtemps que tu demeures l`a ?

Fandor haussa les 'epaules :

— Ma chambre est retenue depuis hier, mais `a vrai dire, je ne l’occupe que depuis quelques instants.

— 'Ecoute, mon petit, fit Juve, il ne s’agit pas de nous raconter des histoires incompr'ehensibles. Pr'ecise-moi ce que tu as fait, comment tu te trouves ici. Allez, grouille, Fandor, c’est urgent !

Au ton du policier le journaliste se rendait compte qu’il fallait ^etre s'erieux.

— Eh bien, fit-il, en deux mots, voici : hier apr`es-midi, je quittais Vernon pour Le Havre, `a la suite de Fernand Ricard. Je l’ai vu aller retenir une cabine `a bord de l’ Aquitaine, et s’y installer. J’allais faire de m^eme lorsque Ricard, profitant d’un moment d’inattention du personnel du bord, s’est subrepticement esquiv'e du paquebot. Je me suis attach'e `a ses traces, j’avais une fausse barbe, une vieille casquette, par hasard, dans ma poche, qui m’ont 'et'e bien utiles.

— Je le comprends, soupira Juve. Si j’avais eu de quoi me grimer, hier, j’eusse 'et'e plus tranquille. Mais, peu importe. Va toujours mon petit.

— Donc, poursuivit Fandor, Ricard, sit^ot hors du paquebot est all'e au t'el'egraphe, j’ai vu par-dessus son 'epaule qu’il 'ecrivait ceci :

Alice Ricard, restaurant gare d’Orsay, Paris. Pars pour Bordeaux, descends h^otelTerminus o`u je t’ai retenu chambre N° 44.

— Ce n’est pas possible, r'epliqua Juve, ce n’est pas Ricard qui a retenu cette chambre pour sa femme, alors que sa femme est avec…

Mais Fandor l’interrompit :

— Laissez-moi donc finir. Le renseignement 'etait bon, et `a peine Ricard avait-il lanc'e sa d'ep^eche que je t'el'egraphiais `a mon tour `a l’h^otel Terminusde Bordeaux :

Retenez-moi chambre 42.

— J’avais raison de proc'eder ainsi. Car, apr`es avoir tra^in'e pendant une heure dans les caf'es de la ville, cet excellent Fernand partait pour la gare, et reprenait un train conduisant `a Paris.

— Donc, articula Juve, l’histoire du suicide 'etait une blague.

— Du suicide ? interrogeait Fandor. Qu’est-ce que cela signifie ?

— Rien, fit le policier, continue.

— D`es lors, c’est tr`es simple, poursuivait Fandor. Nous arrivions `a minuit `a Paris. Ricard coucha dans un h^otel voisin de la gare. Moi aussi. Le lendemain matin, nous partions, l’un suivant l’autre, pour le quai d’Orsay o`u nous avons pris le train de Bordeaux, le train de jour, et nous voil`a. Tandis que Ricard, il y a un quart d’heure, s’est fait conduire `a la chambre de sa femme, on m’a install'e avec tous les honneurs dus `a un voyageur qui retient sa chambre d’avance, au num'ero 46.

— Pardon, interrompit Juve, mais ca n’est pas Ricard, qui est en ce moment avec Alice.

Fandor le regarda stup'efait :

— Je vous jure bien que si ! d'eclara-t-il. Vous pensez bien que, sit^ot dans ma chambre, je ne suis pas demeur'e inactif. Un gros mur me s'eparait de celle d’Alice Ricard et, par bonheur, les deux pi`eces communiquaient par une porte. J’ai coll'e mon oeil au trou de la serrure, et j’ai vu, parfaitement vu, Ricard allant et venant dans la pi`ece. Sauf votre respect, Juve, 'etant donn'e que les serrures sont tr`es basses ici, j’avais l’oeil `a la hauteur de son nombril ou de son derri`ere, comme vous voudrez, et Ricard est v^etu avec une de ces 'el'egances qui ne lui permettent point de passer inapercu. Il a arbor'e un de ces complets, je ne vous dis que ca. `A carreaux noirs et jaunes.

Поделиться с друзьями: