Том 7. О развитии революционных идей в России
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Au contraire, toute l'existence pass'ee des peuples slaves porte un caract`ere de commencement, d'une prise de possession, de croissance et d'aptitude. Ils ne font qu'entrer dans le grand fleuve de l'histoire. Ils n'ont jamais eu un d'eveloppement conforme `a leur nature, `a leur g'enie, `a leurs aspirations. Quelles sont ces aspirations? Nous le verrons dans la suite. Je me borne `a dire qu'elles ne sont pas formul'ees comme th'eories, mais qu'elles existent dans la vie populaire, dans ses chants et ses l'egendes, qu'elles pr'eexistent dans le habitus – de toutes les races slaves. C'est un instinct, un entra^inement naturel, constant, fort, mais confus, m^el'e `a des 'elucubrations nationales et religieuses plut^ot qu'une conception raisonn'ee, arr^et'ee.
L'histoire des Slaves est pauvre.
A l'exception de la Pologne, les Slaves appartiennent plus `a la g'eographie qu'`a l'histoire.
Il y a un peuple slave qui n'a vraiment exist'e que durant une lutte – la guerre des Taborites.
Il y en a un autre qui n'a fait que tracer ses limites, que poser des jalons, que pr'eparer sa place et relier par une unit'e forc'ee, provisoire la sixi`eme partie du globe terrestre qu'il a fi`erement prise pour son ar`ene…
…Ces peuples si peu remarqu'es dans leur pass'e, si peu connus dans leur pr'esent, n'ont-ils pas quelques droits sur l'avenir?
Nous sommes loin de penser que l'avenir appartienne `a toutes les races qui n'ont rien fait, et qui n'ont que beaucoup souffert.
Mais il peut bien appartenir `a celles d'entre elles, qui sans titre, et sans y ^etre invit'ees, prennent hardiment leur place dans le grand concile des nations actives; qui forcent l'entr'ee de l'histoire, qui se m^elent de toutes les affaires, pouss'ees par une activit'e d'evorante; qui occupent toutes les imaginations et se r'ecipitent `a corps perdu dans le courant de l'aorte historique. Il y a, dans l'apparition de certains peuples quelque chose qui arr^ete le penseur, le fait m'editer, le rend inquiet comme s'il sentait une nouvelle mine souterraine, une nouvelle force, une fermentation sourde qui cherche `a soulever la cro^ute, `a d'eborder; comme s'il entendait dans un lointain inconnu des pas de g'eants qui se rapprochent de plus en plus. Tel est le r^ole de la Russie depuis Pierre Ier.
Il y a moins d'un si`ecle, la France contestait encore le titre d'empereur aux tzars, et maintenant il ne s'agit plus du titre mais bien du fait de la domination russe qui s''etend jusqu'au Rhin [1] qui descend jusqu'au Bosphore, et qui recule d'un autre c^ot'e jusqu'`a l'Oc'ean Pacifique.
Quel est le sens de ces pr'etentions arrogantes – de ces conscessions pitoyables?
Sont-ce des Huns, qui accourent pour en finir avec Rome et se perdre ensuite parmi les cadavres? – Ou des Osmanlis qui veulent essayer encore une fois, si la chr'etient'e occidentale est m^ure pour la tombe?
1
L'Allemagne n'existe que de nom. Ce sont des provinces Baltiques, auxquelles on a laiss'e quelques droits illusoires, par exemple celui d'^etre non seulement sujets de Nicolas, mais en m^eme temps sujets de leur petits princes. Ces jours derniers, les journaux annoncaient l'arriv'ee
Est-ce enfin une catastrophe, un cataclysme, une nu'ee de sauterelles, un incident terrible survenu pendant 1'entr'acte qui s'epare deux mondes, une de ces apparitions lugubres qui pr'ecipitent le d'eno^ument? Ou est-ce d'ej`a le commencement m^eme d'un ordre de chose nouveau; et les Slaves ne sont-ils pas les anciens Germains, par rapport au monde qui s'en va?
Il suffit de la possibilit'e de poser une question pareille, pour que tout ce qu'on pourra dire sur ce sujet soit d'un tr`es grand int'er^et. Et si on avait la t'em'erit'e d'aller jusqu'`a affirmer qu'au milieu de ces aspirations vagues des peuples slaves, il y en a qui se rencontrent avec les aspirations r'evolutionnaires des masses en Europe; que dans ces choeurs lointains r'esonnent les m^emes. accords qu'on entend retentir dans les profondeurs souterraines du vieux monde? Si on allait prouver que les barbares du Nord et les barbares «de la maison» ont, sans le savoir, un ennemi commun – le vieil 'edifice f'eodal, monarchique, et une esp'erance commune – la r'evolution sociale?..
L'empereur Nicolas peut, ex'ecuteur des hautes oeuvres dont le sens lui 'echappe, humilier `a sa volont'e l'arrogance st'erile de la France et la majestueuse prudence de l'Angleterre, il peut d'eclarer la Porte russe et l'Allemagne moscovite – nous n'avons pas la moindre piti'e pour tous ces invalides. Mais ce qu'il ne peut pas, c'est emp^echer une autre ligue qui se formera derri`ere son dos, ce qu'il ne peut pas, c'est emp^echer que l'intervention russe ne soit le coup de gr^ace pour tous les monarques du continent, pour toute la r'eaction, le commencement de la lutte sociale arm'ee, terrible, d'ecisive.
Le pouvoir imp'erial du tzar ne survivra pas `a cette lutte. Vainqueur ou vaincu, il appartient au pass'e; il n'est pas russe, il est profond'ement allemand, allemand-byzantinis'e. Il a donc deux titres `a la mort.
Et nous, deux titres `a la vie – l''el'ement socialiste et la jeunesse.
– Les jeunes gens meurent aussi quelquefois, – me disait, `a Londres, un homme tr`es distingu'e, avec lequel nous parlions de la question slave.
– C'est certain, lui r'epondis-je, – mais ce qui est beaucoup plus certain, c'est que les vieillards meurent toujours.
Londres, 1 ao^ut 1853.
I
La Russie et l'Europe
Il y a deux ans, nous avons publi'e une lettre sur la Russie, dans une brochure intitul'ee:
«Vom andern Ufer [2] ». Comme notre mani`ere de voir n'a pas chang'e depuis, nous croyons devoir en extraire les passages suivants:«C'est une p'enible 'epoque que la n^otre; tout, autour de nous, se dissout, tout s'agite dans un vertige, dans une fi`evre maligne. Les plus noirs pressentiments se r'ealisent avec une effrayante rapidit'e…
2
Hambourg, Hoffman et Campe, 1849.
Un homme libre qui refuse de se courber devant la force n'aura bient^ot d'autre refuge en Europe que le pont d'un vaisseau faisant voile pour l'Am'erique.
Ne devons-nous pas nous poignarder `a la mani`ere de Caton parce que notre Rome succombe et que nous ne voyons rien, ou ne voulons rien voir hors de Rome?..
On sait pourtant ce que fit le penseur romain qui sentait profond'ement toute l'amertume de son temps; accabl'e de tristesse et de d'esespoir, comprenant que le monde auquel il appartenait allait crouler – il jeta ses regards au-del`a de l'horizon national et 'ecrivit un livre: De moribus Germanorum. Il eut raison, car l'avenir appartenait `a ces peuplades barbares.
Nous ne proph'etisons rien, mais nous ne croyons pas non. plus que les destins de l'humanit'e soient clou'es `a l'Europe occidentale. Si l'Europe ne parvient pas `a se relever parune transformation sociale, d'autres contr'ees se transformeront; il y en a qui sont d'ej`a pr^etes pour ce mouvement, d'autres s'y pr'eparent. L'une est connue, les Etats de l'Am'erique du Nord; l'autre est pleine de vigueur, mais aussi pleine de sauvagerie, on la conna^it peu ou mal.
L'Europe enti`ere, sur tous les tons, dans les parlements et dans les clubs, dans les rues et dans les journaux a r'ep'et'e le cri du Krakehler berlinois «Les Russes viennent, les Russes viennent!» Et. en effet, non seulement ils viennent, mais ils sont venus, gr^ace `a la maison de Habsbourg, et peut-^etre vont-ils s'avancer encore plus, gr^ace `a la maison de Hohenzollern. Personne, cependant, ne sait au juste ce que sont ces Russes, ces barbares, ces Cosaques; l'Europe ne conna^it ce peuple, que par une lutte dont il est sorti vainqueur. C'esar connaissait mieux les Gaulois, que l'Europe moderne ne conna^it la Russie. Tant qu'elle avait foi en elle-m^eme, tant que l'avenir ne lui apparaissait que comme une suite de son d'eveloppement, elle pouvait ne pas s'occuper d'autres peuples; – aujourd'hui les choses ont bien chang'e. Cette ignorance superbe ne sied plus `a l'Europe.
Et chaque fois qu'elle reprochera aux Russes d'^etre esclaves, les Russes auront le droit de demander: «Et vous, ^etes-vous libres?» A dire vrai, le XVIIIe si`ecle accordait `a la Russie une attention plus profonde et plus s'erieuse que ne le fait le XIXe, peut-^etre parce qu'il la redoutait moins.
Les hommes comme Muller, Schlosser, Ewers, L'evesque, consacr`erent une partie de leur vie `a l''etude de l'histoire de la Russie, d'une mani`ere tout aussi scientifique que s'en occup`erent, sous le rapport physique, Pallas et Gmelin. De leur c^ot'e, des philosophes et des publicistes observaient avec curiosit'e le ph'enom`ene d'un gouvernement despotique et r'evolutionnaire `a la fois. Ils voyaient que le tr^one, fond'e par Pierre Ier, avait peu d'analogie avec les tr^ones f'eodaux et traditionnels de l'Europe. Les deux partages de la Pologne furent la premi`ere infamie qui souilla la Russie. L'Europe ne comprit pas toute la port'ee de cet 'ev'enement; car elle 'etait alors distraite par d'autres soins. Elle assistait, respirant `a peine, aux grands 'ev'enements par lesquels s'annoncait d'ej`a la R'evolution franchise. L'imp'eratrice de Russie tendit naturellement sa main toute d'ego^utante de sang polonais `a la r'eaction. Elle lui offrit l''ep'ee de Souvoroff, de ce boucher f'eroce de Prague. La campagne que Paul fit en Suisse et en Italie n'eut absolument aucun sens, elle ne pouvait que soulever l'opinion publique contre la Russie.