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ЖАНРЫ

Том 7. О развитии революционных идей в России
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Mais comment en sortir, d'o`u attendre le salut? Certes, il ne pouvait venir du clerg'e, qui 'etait alors `a l'apog'ee de sa grandeur et de son influence. Le peuple courbait la t^ete et se tenait `a l''ecart; 'etaient-ce donc ces boyards flagell'es qui pouvaient lui indiquer le chemin? Evidemment non, mais lorsqu'une exigence азе fait sentir, les moyens pour la r'ealiser ne manquent jamais.

La r'evolution qui devait sauver la Russie sortit du sein m^eme de la famille, jusque-l`a apathique, des Romanoff.

Avant d'aller plus loin, il nous faut aborder une des questions "ies plus embrouill'ees de l'histoire russe: le d'eveloppement du serrage. Aucune histoire, ni ancienne ni moderne, ne nous pr'esente rien d'analogue `a ce qui s'est produit en Russie, au XVIIe si`ecle, et `a ce qui s'est 'etabli d'efinitivement "au XVIIIe, par rapport aux paysans. Par une s'erie de simples mesures de police, par les empi'etements des seigneurs qui poss'edaient des terres habit'ees, par la tol'erance du gouvernement et par l'inertie des paysans, ceux-ci devinrent, de libres qu'ils 'etaient, de plus en plus fermes `a la terre (krepki), propri'et'es ins'eparables du sol. Il semble que toutes les libert'es de l''etat naturel que les Slaves avaient conserv'ees devaient passer par le terrible creuset de l'absolutisme et de l'arbitraire, pour ^etre reconquises par des souffrances et des r'evolutions.

La commune rurale 'etait rest'ee intacte, pendant que les tzargi minaient les franchises des villes et des campagnes. Son tour vint mais ce ne fut point la commune, ce fut le paysan qu'on 'ecrasa. Nous rencontrons au commencement du XVIIe si`ecle une loi du tzar Godounoff qui r`egle et limite les droits du paysan de passer des terres d'un seigneur sur les terres d'un autre. Cette-loi ne mettait m^eme pas en doute les droits de migration, encore; moins la libert'e individuelle des paysans; elle ne fut motiv'ee que par des raisons 'economiques assez plausibles au point de vue gouvernemental. Les paysans abandonnaient les terres des pauvres propri'etaires et affluaient sur les terres des seigneurs riches; les contr'ees fertiles 'etaient encombr'ees, tandis que les-terrains st'eriles manquaient de bras. Le tzar Godounoff, usurpateur adroit et d'etest'e des grands seigneurs, flattait en outre par cette loi les petits propri'etaires. Tel a 'et'e le premier pas vers le servage.

Bient^ot, le m^eme prince fit une autre loi `a peine concevable; pour la rendre intelligible, il faut dire qu'anciennement le nombre-des serfs en Russie 'etait tr`es restreint: c''etaient ou des prisonniers de guerre ou des esclaves achet'es en pays 'etrangers (kholopi), ou enfin des hommes qui se vendaient eux-m^emes avec leurs descendants (kabalny ludi). Ces gens n'avaient rien de commun ni avec le paysan, ressortissant de la commune et cultivant la terre-seigneuriale, ni avec les serviteurs libres des boyards. Ces derniers 'etaient souvent renvoy'es en grand nombre par les ma^itres et allaient se r'epandre en mendiants ou voleurs de grande route, ou bien, joignaient les brigands de la Volga et les Cosaques du Don, ces receleurs de tous les vagabonds et de tous les gens en guerre avec la soci'et'e. Boris, toujours en garde, craignait cette masse m'econtente et affam'ee; pour mettre fin `a ces inconv'enients, et pour ^etre s^ur que ces hommes fussent nourris pendant la famine et ne se dispersassent pas, il d'ecr'eta que les domestiques qui reseraient un temps donn'e chez leurs ma^itres, seraient leurs serfs-t ne pourraient ni les quitter, ni ^etre renvoy'es. C'est ainsi que des milliers d'hommes tomb`erent dans l'esclavage presque sans s'en apercevoir. Les d'esertions et les fuites ne diminu`erent pas; il serait difficile de pr'eciser combien de soldats cette loi procura aux bandes de D'em'etrius, de Gohsefski, de Jolkefski, du hetman des Zaporogues et de tous les condottieri qui d'evastaient la Russie au commencement du XVIIe si`ecle. Depuis le r`egne de Boris jusqu'`a Catherine II, un mouvement sourd et sombre agita Je peuple des campagnes, et la r'evolte de Pougatcheff est aujourd'hui encore vivante dans sa m'emoire.

Chaque seigneur r'ep'eta en petit le r^ole du grand prince de Moscou, et, de m^eme que les villes avaient perdu leurs libert'es parce qu'elles restaient dans le vague des usages, la commune dans sa lutte avec le seigneur eut le dessous contre le principe de l'autorit'e et de l'individualisme, plus 'energique et plus 'ego"iste qu'elle. Le tzarisme, bas'e lui-m^eme sur un pouvoir illimit'e, devait n'ecessairement prot'eger les attentats des seigneurs, en an'eantissant les d'efenseurs naturels des paysans, les jur'es, en soutenant le seigneur dans toutes ses contestations avec le paysan.Cependant la loi ne pr'ecisait et ne sanctionnait rien, il n'y avait qu'abus de la part du gouvernement et passivit'e de la part du peuple.

Ce fut dans cet 'etat de choses que le premier recensement ordonn'e par Pierre Ier, en 1710, fournit un terrain l'egal `a ces abus monstrueux, et ce fut lui, le civilisateur de la Russie, qui les sanctionna. Il serait difficile de d'eterminer les raisons qui le firent agir de la sorte. Fut-ce une faute, une rancune ou bien un fait providentiel? Ainsi que Pierre Ier fut le repr'esentant du tzarisme et de la r'evolution, de m^eme le seigneur devint le repr'esentant d'un pouvoir inique en m^eme temps que le v'eritable levain r'evolutionnaire. Pierre Ier a entra^in'e l'Etat dans le mouvement, et le seigneur entra^inera directement ou indirectement la commune indolente et passive dans la r'evolution. Ce ferment sera dissous, sans nul doute, mais ce ne sera qu'apr`es avoir consomm'e la perte de l'absolutisme. La commune, ce produit du sol, assoupit l'homme, absorbe son ind'ependance, elle ne peut ni s'abriter du despotisme, ni 'emanciper ses membres; pour se conserver, elle doit subir une r'evolution.

Toutes les libert'es communales p'erissaient de fait devant l'individualit'e prononc'ee des tzars de Moscou, mais par bonheur, la lignee des tzars aboutit `a Pierre, qui fut le v'eritable repr'esentant du principe r'evolutionnaire latent dans le peuple russe. Pierre I ainsi que l'a dit un jeune historien, fut la premi`ere individualite russe qui os^at se poser d'une mani`ere ind'ependante. Un r^ole semblable revient `a la noblesse russe: elle repr'esente le principe individuel en regard de la commune, et partant, l’opposition `a l'absolutisme.

Elle ne brisera pas la commune, elle l'opprimera jusqu a ce qu’elle se soul`eve. La commune qui s'est maintenue `a travers des si`ecles est indestructible. Pierre Ier, en d'etachant compl`etement la noblesse du peuple et en la dotant d'un pouvoir terrible `a l''egard des paysans, d'eposa au fond de la vie populaire un antagonisme qui ne s'y trouvait point, ou qui ne s'y trouvait au'`a un faible degr'e. Cet antagonisme aboutira `a une revolution sociale, et il n'y a pas de Dieu au Palais d'hiver qui puisse d'etourner cette coupe de la destin'ee de la Russie.

III

Pierre ier

Le d'esir de sortir de la situation lourde dans laquelle se trouvait l'Etat s'accroissait de plus en plus, lorsque, vers la fin du XVIIe si`ecle, il parut sur le tr^one des tzars un r'evolutionnaire audacieux dou'e d'un g'enie vaste et d'une volont'e inflexible.

Pierre Ier ne fut ni un tzar oriental ni un dynaste, ce fut un despote, `a l'instar du Comit'e de Salut public, despote en son propre nom et au nom d'une grande id'ee, qui lui assurait une sup'eriorit'e incontestable sur tout ce qui l'entourait. Il s'arracha au myst`ere dont s'entourait la personne du tzar, et jeta avec d'ego^ut loin de lui la d'efroque byzantine dont se paraient ses pr'ed'ecesseurs. Pierre Ier ne pouvait se contenter du triste r^ole d'un Dala"i-Lama chr'etien, orn'e d''etoffes dor'ees et de pierres pr'ecieuses, qu'on montrait de loin au peuple, lorsqu'il se transportait avec gravit'e de son palais `a la cath'edrale de l'Assomption, et de la cath'edrale de l'Assomption `a son palais. Pierre Ier para^it devant son peuple en simple mortel. On le voit, ouvrier infatigable, depuis le matin jusqu'`a la nuit, en simple redingote militaire, donner des ordres et enseigner la mani`ere dont il faut les ex'ecuter; il est mar'echal ferrant et menuisier, ing'enieur, architecte et pilote. On le voit partout sans suite, tout au plus avec un aide-de-camp, dominant la foule par sa taille. Pierre le Grand, comme nous l'avons dit, fut le premier individu 'emancip'e en Russie, et, par cela m^eme, r'evolutionnaire couronn'e. Il soupconnait ne pas ^etre le fils du tzar Alexis. Un soir il demanda na"ivement, au souper, au comte Iagoujinski s'il n''eta pas son p`ere? –

«Je n'en sais rien, r'epondit Iagoujinski press'e par lui la d'efunte tzarine avait tant d'amantsi» Voil`a pour la l'egitimit'e. Quant aux int'er^ets dynastiques, vous savez que Pierre se trouvant `a Pruth, dans une position d'esesp'er'ee, 'ecrivit au s'enat de choisir pour son successeur le plus digne, croyant son fils incapable de lui succ'eder. Il le fit juger et ex'ecuter ensuite dans la prison. Pierre Ier couronna imp'eratrice une cabareti`ere femme d'un soldat su'edois, devenue depuis la courtisane de son favori prince M'enchikoff, ci-devant garcon p^atissier. Les circonstances au milieu desquelles le m'etropolitain Th'eophane et le prince M'enchikoff proclam`erent la derni`ere volont'e de Pierre Ier laissent beaucoup de doutes, mais le fait est que l'aventuri`ere livonnienne qui parlait `a peine le russe fut proclam'ee, `a sa mort, imp'eratrice – sans que personne songe^at `a contester ses droits.

Pierre Ier cachait `a peine son indiff'erence ou son m'epris pour l''eglise grecque, qui devait n'ecessairement partager la disgr^ace de l'ancien ordre des choses. Il d'efendit de cr'eer de nouvelles reliques et interdit les miracles. Il remplaca le patriarche par un synode `a la nomination du gouvernement, et il y placa comme procureur de la couronne un officier de cavalerie. Le patriarche n'avait jamais eu des droits souverains et une position enti`erement ind'ependante du tzar, mais il imprimait une certaine unit'e `a l''eglise. Ce fut pour cela que Pierre Ier abattit son tr^one qui, habituellement, 'etait plac'e `a c^ot'e de celui des tzars. Pourtant Pierre Ier ne fut rien moins que le chef de l''eglise, son pouvoir 'etait tout `a fait temporel. Ce fut m^eme l`a le caract`ere distinctif qu'il imprima `a l'imp'erialisme de P'etersbourg; son but, ses moyens 'etaient pratiques, mondains, la"iques, il ne sortait pas de l'actualit'e, et, apr`es avoir neutralis'e l'action de l''eglise, il ne songea Plus ni `a l''eglise ni `a la religion. Il avait d'autres fantaisies, il r^evait une Russie colossale, un Etat gigantesque qui p^ut 'etendre ses branches jusqu'au fond de l'Asie, ^etre ma^itre de Constantinople et du sort de l'Europe.

En g'en'eral, l'Europe a une id'ee exag'er'ee de la puissance pirituelle des empereurs russes. Cette erreur a sa source, non ans l'histoire russe, mais dans les chroniques du Bas-Empire.

L’eglise grecque avait toujours eu une soumission passive `a l'Etat et faisait tout ce que le pouvoir voulait, mais le pouvoir, de son c^ot'e, ne se m^elait jamais directement des int'er^ets de la religion ou du clerg'e. L''eglise russe avait sa propre juridiction bas'ee sur le Nomocanon grec. Croit-on qu'il suffisait de se proclamer chef de l''eglise, `a la place de son chef naturel, pour acqu'erir un v'eritable pouvoir religieux? S'il se f^ut agi des tzars de Moscou, d'un Ivan IV par exemple, qui avait en lui quelque chose de Constantin Copronime et de Henri VIII et s'occupait de l'ex'eg`ese quand il n'avait personne `a tuer, cette supposition aurait 'et'e encore admissible, mais les successeurs de Pierre le Grand, au nombre desquels il y eut quatre femmes, dont une seule fut russe, rendent cette opinion insoutenable. L'id'ee de se faire chefs de l''eglise fut loin le leur pens'ee, pendant un si`ecle entier. L'honneur de l'avoir exhum'ee appartient `a Paul Ier. Jaloux peut-^etre de Robespierre, il se fit faire, pour son couronnement, un habit moiti'e de soldat et moiti'e de pr^etre, parla de sa supr'ematie spirituelle et voulut m^eme officier dans la cath'edrale de Kazan; on le d'etourna cependant de ce ridicule. On sait que ce m^eme Paul Ier, schismatique et mari'e, obtint le titre de grand-ma^itre de l'ordre de Malte, et l'on n'ignore gu`ere qu'en tous points ce fut un demi-fou.

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