Том 7. О развитии революционных идей в России
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L'extravagante 'epoque de ces guerres absurdes, que les Francais nomment encore aujourd'hui la p'eriode de leur gloire, finit avec leur invasion en Russie; ce fut une aberration de g'enie, comme la campagne d'Egypte. Il plut `a Bonaparte de se montrer `a l'univers, debout sur un monceau de cadavres. A l'ostentation des Pyramides, il voulut ajouter celle de Moscou et du Kremlin. Cette fois il ne r'eussit pas; il souleva contre lui tout un peuple qui saisit r'esolument les armes, traversa l'Europe derri`ere lui, et prit Paris.
Le sort de cette partie du monde fut, pendant quelques mois, entre les mains de l'empereur Alexandre, mais il ne sut profiter ni de sa victoire, ni de sa position; il placa la Russie sous le m^eme drapeau que l'Autriche, comme si entre cet empire pourri et mourant et le jeune Etat qui venait d'appara^itre dans sa splendeur, il y e^ut quelque chose de commun, comme si le repr'esentant le plus 'energique du monde slave p^ut avoir les m^emes int'er^ets que l'oppresseur le plus ardent des Slaves.
Par cette monstrueuse alliance avec la r'eaction europ'eenne, la Russie, `a peine grandie par ses victoires, fut abaiss'ee aux yeux de tous les hommes pensants. Ils secou`erent tristement la t^ete en voyant cette contr'ee qui venait, pour la premi`ere fois, de prouver sa force, offrir aussit^ot apr`es sa main et son aide `a tout ce qui 'etait r'etrograde et conservateur, et cela, contrairement m^eme `a ses propres int'er^ets.
Il ne manquait que la lutte atroce de la Pologne pour soulever d'ecid'ement toutes les nations contre la Russie. Lorsque les nobles et malheureux restes de la R'evolution polonaise, errant par toute l'Europe, y r'epandirent la nouvelle des horribles cruaut'es des vainqueurs, il s''eleva de toutes parts, dans toutes les langues europ'eennes, un 'eclatant anath`eme contre la Russie. La col`ere des Peuples 'etait juste…
Rougissant de notre faiblesse et de notre impuissance, nous comprenions ce que notre gouvernement venait d'accomplir par nos mains, et nos coeurs saignaient de douleur, et nos yeux s'emplissaient de larmes am`eres.
Chaque fois que nous rencontrions un Polonais, nous n'avions pas le courage de lever sur lui nos regards. Et cependant je ne sais s'il est juste d'accuser tout un peuple et de le rendre seul responsable de ce qu'a fait son gouvernement.
L'Autriche et la Prusse n'y ont-elles pas aid'e? La France, dont la fausse amiti'e a caus'e `a la Pologne autant de mal que la haine d'eclar'ee d'autres peuples, n'a-t-elle donc pas, dans le m^eme temps, par tous les moyens, mendi'e la faveur de la cour de P'etersbourg; l'Allemagne, alors d'ej`a, n''etait-elle pas volontairement, `a l''egard de la Russie, dans la situation o`u se trouvent aujourd'hui forc'ement la Moldavie et la Valachie; n''etait-elle pas alors comme maintenant gouvern'ee par les charg'es d'affaires de la Russie et par ce proconsul du tzar qui porte le titre de roi de Prusse?
L'Angleterre seule se maintint noblement sur le pied d'une amicale ind'ependance; mais l'Angleterre ne fit rien non plus pour les Polonais; elle songeait peut-^etre `a ses propres torts envers l'Irlande. Le gouvernement russe n'en m'erite pas moins de haine et de reproches; je pr'etends seulement faire aussi retomber cette haine sur tous les autres gouvernements, car on ne doit pas les s'eparer l'un de l'autre; ce ne sont que les variations d'un m^eme th`eme.
Les derniers 'ev'enements nous ont beaucoup appris; l'ordre r'etabli en Pologne et la prise de Varsovie sont rel'egu'es `a l'ar-ri`ere-plan, depuis que l'ordre r`egne `a Paris et que Rome est prise; depuis qu'un prince prussien pr'eside aux fusillades, et que la vieille Autriche, dans le sang jusqu'aux genoux, essaie d'y rajeunir ses membres paralys'es.
C'est une honte en l'an 1849, apr`es avoir perdu tout ce qu'on avait esp'er'e, tout ce qu'on avait acquis, `a c^ot'e des cadavres de ceux que l'on a fusill'es, 'etrangl'es, `a c^ot'e de ceux qu'on a jet'es dans les fers,d'eport'es sans jugement; `a l'aspect de ces malheureux chass'es de contr'ee en contr'ee, `a qui on donne l'hospitalit'e, comme aux Juifs du moyen ^age, `a qui l'on jette, comme aux chiens, un morceau de pain, pour les obliger de continuer leur – chemin – en l'an 1849, c'est une honte de ne reconna^itre le tzarisme que sous le 59 degr'e de latitude bor'eale. Injuriez tant qu'il vous plaira et accablez de reproches l'absolutisme do P'etersbourg et la triste pers'ev'erance de notre r'esignation; mais injuriez le despotisme partout et reconnaissez-le sous quelque forme qu'il se r'esente. L'illusion optique, au moyen de laquelle on donnait `a l'esclavage l'aspect de la libert'e s'est 'evanouie.
Encore une fois: s'il est horrible de vivre en Russie, il est tout aussi horrible de vivre en Europe. Pourquoi ai-je donc quitt'e la Russie? Pour r'epondre `a cette question, je traduirai quelques paroles de ma lettre d'adieux `a mes amis:
Ne vous y trompez pas! Je n'ai trouv'e ici ni joie, ni distractions, ni repos, ni s'ecurit'e personnelle; je ne puis m^eme imaginer que personne aujourd'hui puisse trouver en Europe ni repos ni joie.
Je ne crois ici `a rien qu'au mouvement; je ne plains rien que les victimes; je n'aime rien que ce que l'on pers'ecute; et je n'estime rien que ce que l'on supplicie, et cependant je reste. Je reste pour souffrir doublement de notre douleur et de celle que je trouve ici, peut-^etre pour succomber dans la dissolution g'en'erale. Je reste, parce qu'ici la lutte est ouverte, parce qu'ici elle a une voix.
Malheur `a celui qui est vaincu ici! Mais il ne succombe pas sans avoir fait entendre sa voix, sans avoir 'eprouv'e sa force dans le combat; et c'est `a cause de cette voix, `a cause de cette lutte ouverte, `a cause de cette publicit'e, que je reste.
Voil`a ce que j''ecrivais le 1er mars 1849. Les choses, depuis lors, ont bien chang'e. Le privil`ege de se faire entendre et de combattre publiquement s'amoindrit chaque jour davantage, l'Europe chaque jour davantage devient semblable `a P'etersbourg; il y a m^eme des contr'ees qui ressemblent plus `a P'etersbourg que la Russie m^eme.
Et si l'on en vient, en Europe aussi, `a nous mettre un b^aillon sur la bouche, et que l'oppression ne nous permette pas m^eme de maudire, `a haute voix, nos oppresseurs, nous nous en irons alors en Am'erique, sacrifiant tout `a la dignit'e de l'homme et `a la libert'e de la parole».
II
La Russie avant Pierre ier
L'histoire russe n'est que l'embryog'enie d'un Etat slave; la Russie n'a fait que s'organiser. Tout le pass'e de ce pays, depuis le IXe si`ecle, doit ^etre consid'er'e comme l'acheminement vers un avenir inconnu, qui commence `a poindre.
La v'eritable histoire russe ne date que de 1812 – ant'erieurement il n'y avait que l'introduction.
Les forces essentielles du peuple russe n'ont jamais 'et'e effectivement absorb'ees par son d'eveloppement, comme l'ont 'et'e celles des peuples germano-romains.
Au IXe si`ecle, ce pays se pr'esente comme un Etat organis'e d'une toute autre mani`ere que les Etats d'Occident. Le gros de la population appartenait `a une race homog`ene, diss'emin'ee sur un territoire tr`es vaste et tr`es peu habit'e. La distinction qu'on trouve partout ailleurs entre la race conqu'erante et les races conquises ne s'y rencontrait point. Les peuplades faibles et infortun'ees des Finnois, clairsem'ees et comme perdues parmi les Slaves, v'eg'etaient hors de tout mouvement, dans une soumission passive, ou dans une sauvage ind'ependance; elles 'etaient de nulle importance pour l'histoire russe. Les Normands (Var`egues), qui dot`erent la Russie de la race princi`ere qui y r'egna, sans interruption, jusqu'`a la fin du XVIe si`ecle, 'etaient plus organisateurs que conqu'erants. Appel'es par les Novgorodiens, ils s'empar`erent du pouvoir et retendirent bient^ot jusqu'`a Kiev [3] .
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On a beaucoup discouru sur la mani`ere dont les Var`egues se sont 'etablis en Russie, question tout historique qui ne nous int'eresse que m'ediocrement. La grande importance de la version de Nestor consiste `a faire voir la mani`ere dont on envisageait l'invasion var`egue au XIIe si`ecle, et il faut avouer qu'elle seule met au jour le r^ole v'eritable des Normands.
Les princes var`egues et leurs compagnons perdirent `a la fin
De cuelques g'en'erations le caract`ere de leur nationalit'e, et se confondirent avec les Slaves, apr`es avoir imprim'e toutefois une impulsion active et une nouvelle vie `a toutes les parties de cet Etat `a peine organis'e.
Le caract`ere slave pr'esente quelque chose de f'eminin; cette race intelligente, forte, remplie de dispositions vari'ees, manque d'initiative et d''energie. On dirait, que la nature slave, ne se suffisant pas `a elle-m^eme, attend un choc qui la r'eveille. Le premier pas lui co^ute toujours, mais la moindre impulsion met chez lui en jeu une force de d'eveloppement extraordinaire. Le r^ole des Normands a 'et'e pareil `a celui qu'a rempli plus tard Pierre le Grand, par la civilisation occidentale.