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ЖАНРЫ

L'agent secret (Секретный агент)
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L’h^otel de Naarboveck 'etait r'evolutionn'e de fond en comble par les d'ecorateurs et les 'electriciens : toute l’apr`es-midi on avait entendu frapper des coups de marteau. Les meubles, les objets familiers de la maison 'etalent d'eplac'es, bouscul'es. On avait d'emeubl'e le hall, d'etruit l’intimit'e de la biblioth`eque pour pr'eparer ce bal du surlendemain, ce maudit bal auquel le baron de Naarboveck avait convi'e le Tout Paris.

Wilhelmine de Naarboveck s’'etait tout d’abord vivement int'eress'ee `a cette f^ete.

Le baron la donnait pour consacrer sa situation de diplomate, jusqu’alors en disponibilit'e, mais qui d'esormais rev^etait un caract`ere officiel : le baron de Naarboveck venait d’^etre accr'edit'e en qualit'e d’ambassadeur.

De Naarboveck voulait profiter de la f^ete pour annoncer les fiancailles de Wilhelmine avec le lieutenant de Loubersac. H'elas, ce dernier projet…

Wilhelmine r'efl'echissait, seule dans la biblioth`eque, les yeux fix'es sur une grande enveloppe scell'ee de rouge qui contenait les lettres de cr'eance accr'editant le baron aupr`es du Pr'esident de la R'epublique, lequel devrait, d’ailleurs, ^etre repr'esent'e au bal. Ah ! si les espoirs du diplomate se r'ealisaient, il n’en 'etait pas de m^eme de ceux de la pauvre jeune fille qui voyait un avenir lugubre s’ouvrir devant elle.

Non seulement son coeur avait 'et'e d'echir'e par la brusque rupture avec Henri de Loubersac, mais encore tout semblait craquer autour d’elle. L’intimit'e familiale dont Naarboveck lui avait un moment donn'e l’illusion s’'evanouissait. Sans doute le diplomate, pour ses affaires, 'etait perp'etuellement oblig'e de sortir et Wilhelmine souffrait de cet abandon. Et Bobinette avait disparu.

Wilhelmine fut soudain arrach'ee `a ses r^everies par l’irruption dans la pi`ece d’un domestique qui annonca :

— Monsieur de Loubersac demande si Mademoiselle peut le recevoir ?

— Faites entrer.

Quelques secondes apr`es l’officier se pr'esentait devant la jeune fille. Il p'en'etrait dans la pi`ece la t^ete basse, l’air embarrass'e :

— Vous ici, monsieur ? interrogea Wilhelmine indign'ee.

— Pardonnez-moi.

— Que voulez-vous ?

Le jeune officier avait r'efl'echi. Puis, le coeur tortur'e, il 'etait all'e trouver Juve et tr`es franchement l’avait mis au courant des propos de Wilhelmine.

Le policier n’'etait pas sceptique comme le militaire et ne parut point 'etonn'e lorsque celui-ci lui d'eclara que celle que l’on consid'erait comme la fille du baron de Naarboveck se nommait en r'ealit'e Th'er`ese Auvernois.

Cela co"incidait, en effet, avec les pronostics de Juve ; cela expliquait au policier pourquoi la jeune fille allait si r'eguli`erement prier sur la tombe de lady Beltham, car Juve imaginait combien Th'er`ese Auvernois devait avoir de reconnaissance pour la grande dame anglaise qui l’avait recueillie et 'elev'ee.

Cela compl'etait 'egalement les pr'evisions de Juve et si l’inspecteur de la S^uret'e ne l’avouait pas au lieutenant de Loubersac, il ne pouvait s’emp^echer de faire dans son esprit un rapprochement entre ce baron de Naarboveck `a la personnalit'e somme toute 'etrange et l’^etre redoutable, terrifiant `a la poursuite duquel Juve s’acharnait depuis de longues ann'ees : Fant^omas.

Avant son voyage `a Londres, Juve n’avait pas craint d’accuser Wilhelmine d’avoir 'et'e la ma^itresse du capitaine Brocq. Il agissait ainsi dans le but de provoquer une explication, dont il esp'erait tirer quelque lumi`ere, entre la jeune fille et son futur fianc'e. L’explication 'etait survenue. D`es lors, Juve, renseign'e et auquel r'epugnait son odieuse et indigne calomnie, s’empressa de rassurer le lieutenant de Loubersac. Lorsque celui-ci vint l’interroger, il eut plaisir `a lui garantir que Th'er`ese Auvernois 'etait assur'ement la plus honn^ete fille du monde.

L’officier avait 'et'e assez surpris du brusque changement d’opinion de Juve, mais le policier avait envelopp'e cette volte-face de tant d’arguments probants que l’amoureux, qui ne demandait qu’`a avoir confiance, fut vite convaincu.

Toutefois il lui restait `a se r'ehabiliter aupr`es de celle dont il voulait plus que jamais d'esormais faire sa femme, et c’est pour cela, qu’Henri de Loubersac avait sollicit'e une entrevue avec M llede Naarboveck. Les circonstances le servaient. Il arrivait `a un moment o`u la jeune fille 'etait seule, en proie aux plus sombres pens'ees, pr^ete `a d'efaillir de tristesse. Henri de Loubersac, embarrass'e devant elle, sollicitait encore son pardon.

— Ah ! que je regrette, murmura-t-il, les propos brutaux et blessants que je vous ai tenus, Wilhelmine !

La jeune fille, qui rougissait encore d’indignation `a l’id'ee du soupcon dont elle avait 'et'e l’objet, ne cacha point sa col`ere, et sur un ton glacial r'epondit :

— Il se peut, monsieur, que je vous pardonne, mais c’est tout ce qu’il faut esp'erer…

— Ne pourrez-vous donc plus m’aimer jamais ? supplia Henri de Loubersac.

— Non, fit durement Wilhelmine.

— D’ici peu, dit Loubersac, je quitterai Paris : j’ai demand'e mon changement et l’on me fait pr'evoir au minist`ere que je vais ^etre envoy'e en Afrique, aux avant-postes du Maroc. J’emporterai avec moi, Wilhelmine, le souvenir ador'e de votre ch`ere image, et le conserverai vivant dans mon coeur jusqu’au jour o`u le ciel me fera tomber en brave `a la t^ete de mes troupes…

L’officier, en achevant ces paroles, traversait lentement la biblioth`eque et gagnait la porte, accabl'e.

Mais, comme il allait partir, un appel 'etouff'e s’'echappa des l`evres de Wilhelmine :

— Henri.

— Wilhelmine.

Ils tomb`erent dans les bras l’un de l’autre.

***

R'econcili'es pour toujours, les deux jeunes gens faisaient les plus tendres et les plus s'eduisants projets d’avenir. Il 'etait d'ej`a une heure fort avanc'ee de la nuit et les bruits familiers de l’h^otel s’'etaient att'enu'es.

Wilhelmine interrompit soudain la conversation :

— Henri, observa-t-elle sur un ton de reproche, savez-vous qu’il est minuit pass'e ?

— Il me semble que je viens d’arriver.

— Vous allez compromettre votre fianc'ee, cher lieutenant… Imagine-t-on de rester aussi tard chez elle ?

— D’autant qu’elle est toute seule !

— C’est vrai, le baron de Naarboveck n’est pas encore rentr'e…

— Sauvez-vous, sauvez-vous.

— Wilhelmine.

— Henri.

Un long baiser les unit.

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