L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
Шрифт:
Du premier 'etage de sa maison, par l’escalier de bois blanc, une voix venait de la h'eler, une voix forte qui ne tremblait pas, elle, la voix d’un homme, d’un homme qui devait ^etre jeune :
— Madame K'eradeuc, venez donc un peu ?
— Descendez donc vous-m^eme, mon bon monsieur. Qu’est-ce que vous voulez ? Seigneur ma Dou'e, si c’est possible d’avoir la curiosit'e que vous avez, et que tous les autres qui sont sur la place ont comme vous. Ah, dame, il faudrait me payer cher, moi, pour aller regarder `a la fen^etre.
Un pas pesant 'ebranla le petit escalier, puis un homme, l’homme qui venait d’appeler, fit son entr'ee dans la pi`ece.
— Allons, madame K'eradeuc, dit-il non sans hausser les 'epaules d’impatience, vous ^etes effroyablement peureuse. Il faut vous secouer. Voulez-vous monter ?
— Ah, Dieu non, je ne veux pas monter.
— Eh, madame K'eradeuc, je crois pourtant que je vous ai pay'e assez cher le droit de me mettre `a votre crois'ee pour que vous n’ayez pas regret de l’autorisation que vous m’avez donn'ee. D’ailleurs, il ne s’agit pas de ca. Voyons, renseignez-moi au moins, puisque vous ne voulez pas m’accompagner. Par quelle porte doit-il sortir ?
La m`ere K'eradeuc ne r'epondit pas. L’homme, d’ailleurs, n’insista pas.
— La vieille est compl`etement affol'ee, songea-t-il. Ne nous faisons pas d’illusion, elle ne nous apprendra rien.
Tournant sur ses talons, l’inconnu abandonna la cuisine o`u la m`ere K'eradeuc resta seule, puis remonta l’escalier sans h^ate.
Il p'en'etra dans une petite chambre claire et proprette, sentant le pitchpin, dont le lit 'etait couvert d’une cretonne blanche, dont les rideaux 'etaient de toile blanche et sur la chemin'ee de laquelle, poussi'ereuse et touchante, on pouvait juste apercevoir, sous globe de verre, une couronne de fleurs d’orangers.
L’inconnu ouvrit la fen^etre, fit tomber le store et `a travers les trous de l’'etoffe regarda la petite place de Quimper.
On n’aurait certes pas reconnu ce jour-l`a la tranquille petite ville bretonne. Alors que d’ordinaire personne ne s’arr^etait sur la place d'eserte s’'etendant devant la maison de la m`ere K'eradeuc que bordaient d’un c^ot'e de vieilles b^atisses et de l’autre la monumentale prison, une foule immense y grouillait aujourd’hui, chantant, riant, buvant. Rares 'etaient ceux qui s’'etaient couch'es la veille au soir. Il y avait l`a des paysans, des paysannes aussi, mais il y 'etait surtout venu, d’on ne savait o`u, des chemineaux, des gars de batteries et aussi de ces travailleurs aux allures 'equivoques qui abondent dans les campagnes comme ailleurs et qui ne manquent jamais de se rassembler pour des spectacles analogues `a celui dont ils allaient ^etre t'emoins.
L’inconnu, d’un oeil morne, lass'e, presque blas'e, examina la foule grouillante :
— D'ecid'ement, songeait-il, il y a l`a toute l’aristocratie sp'eciale de la Bretagne. Dommage, en v'erit'e, que toute cette foule soit expos'ee `a ^etre cruellement d'ecue d’ici quelques instants.
Il y eut comme un fr'emissement.
— Parbleu, dit l’inconnu, ce sont les fourgons.
`A l’un des bouts de la petite place, une voiture poussi'ereuse, peinte en vert, fit son apparition, tra^in'ee au trot d’un vieux cheval blanc.
— Deibler, vive Deibler.
Les cris se croisaient : on applaudissait, on s’agitait.
L’arriv'ee des voitures composait en quelque sorte le premier acte de l’ex'ecution d’OEil-de-Boeuf qui, `a l’heure fix'ee par la Loi, c’est-`a-dire au lever du jour, allait prendre place.
Les fourgons, car une seconde voiture venait d’appara^itre, encadr'ee par un escadron de gendarmes `a cheval, sabre au clair et galopant botte `a botte, traversaient la foule qui s’ouvrait pour leur laisser passage, gagn`erent le centre de la place, s’immobilis`erent enfin en un endroit que le bourreau la veille au soir avait soigneusement d'etermin'e.
— Eh, eh, songeait toujours l’inconnu, observant la place de Quimper de la fen^etre qu’il avait lou'e `a la m`ere K'eradeuc, Deibler n’est pas en retard, et m^eme il ne para^it pas 'emu. Bigre, c’est un temp'erament. J’aurais cru, apr`es le drame d’il y a trois jours, apr`es la d'ecouverte de son aide assassin'e, de ce Jean-Marie que j’ai si proprement exp'edi'e, qu’il aurait eu quelque frayeur `a venir op'erer `a Quimper. N’emp^eche, la t^ete qu’il va faire en voyant que la bascule est truqu'ee.
Fant^omas, en effet, n’'etait pas reparti imm'ediatement apr`es l’ex'ecution du lugubre 'equarrisseur devenu valet de guillotine. Quelques minutes encore, le Ma^itre de l’'Epouvante, au risque d’^etre surpris par le bourreau, 'etait demeur'e dans le Hangar Rouge, quelques minutes il avait travaill'e `a la guillotine. Il savait `a pr'esent que le truquage 'etait parfait, que la bascule ne basculerait pas, que le couperet resterait suspendu, qu’impuissant `a guillotiner OEil-de-Boeuf, Deibler devrait le laisser retourner au cachot o`u, sans aucun doute, suivant un usage constant, il serait graci'e par le Pr'esident de la R'epublique.
Fant^omas surveillait donc d’un oeil calme le montage de la machine.
— D'ecid'ement, remarqua-t-il encore, s’int'eressant au spectacle en amateur averti, Deibler conna^it son m'etier. Il op`ere avec une habilet'e classique. L’emplacement est sabl'e, nivel'e. Il ne laisse rien au hasard. Tiens, les soldats.
Tandis que le bourreau, en effet, s’occupait aux d'etails d’installation des bois de justice, sur la place des soldats 'etaient apparus.
Distraitement, alors, Fant^omas suivit des yeux les 'evolutions de la troupe qui, en d'epit des protestations unanimes, impitoyablement, refoulait vers les rues adjacentes ceux qu’avait attir'es le spectacle.
— Quels imb'eciles, songeait Fant^omas, on ordonne que les ex'ecutions soient publiques, et puis, chaque fois que la justice op`ere, on repousse au loin ceux qui viennent contempler la chose. Il faudrait, pourtant une bonne fois s’entendre, d'ecr'eter que l’on cachera la guillotine comme une chose hideuse dans la cour des prisons, ou admettre au contraire que sa vue est moralisatrice et alors, laisser la foule s’en repa^itre les yeux.
Lentement, implacablement, la petite place fut donc d'eblay'ee par les soldats. Les badauds sanguinaires durent se retirer. Bient^ot, dans le cercle vide que dessinaient les soldats rang'es en piquet d’honneur, on ne distinguait plus, s’agitant `a la lueur des lanternes que commencait `a jaunir le jour naissant, que quatre hommes, Deibler et les trois valets de guillotine, quatre hommes qui s’affairaient `a descendre du fourgon vert les caisses num'erot'ees o`u reposaient les montants de la machine.
Fant^omas, vite lass'e par le spectacle des 'evolutions de la cavalerie dispersant les curieux, consid'era alors le travail m^eme du bourreau. En bras de chemise, car il avait d^u retirer sa redingote, n'egligemment jet'ee sur le si`ege d’un des fourgons, M. de Paris, `a gestes pr'ecis et m'eticuleux, dirigeait les aides. Et, bien qu’il f^ut assez distant, Fant^omas entendant par moments les 'eclats de sa voix, une voix qui semblait 'etrange, tant elle paraissait calme et qui ordonnait :