L'Arrestation de Fant?mas (Арест Фантомаса)
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— Il va mourir, se r'ep'etait-il. Il va mourir. Nul ne peut le sauver.
Et d’ailleurs, dans le silence angoiss'e qui soudain pesa aussi bien sur les soldats du service d’ordre que sur la foule juch'ee partout, s’'ecrasant dans les ruelles, s’agrippant en grappes aux toits des maisons voisines, le drame se d'eroula avec l’instantan'eit'e d’un 'eclair.
La porte de la prison s’'etait ouverte, OEil-de-Boeuf, le cou instinctivement enfonc'e entre les 'epaules, gardait une attitude de vrai courage. L’aum^onier, brusquement, se jeta de c^ot'e. Ce mouvement d'emasquait la guillotine. OEil-de-Boeuf sembla vaciller sur ses jambes, deux aides le prirent sous le bras. On le poussa vers la bascule.
Alors, des l`evres exsangues du mis'erable qu’on allait tuer, un cri, presque ind'echiffrable, s’'eleva :
— J’'etais innocent. Je n’ai pas tu'e l’officier russe. Adieu.
Pouvait-il dire plus ?
Deibler, qui marchait derri`ere le condamn'e au moment o`u celui-ci d'ebouchait de la prison, s’'etait d'ej`a pr'ecipit'e `a la droite de la guillotine et, le doigt sur le d'eclic, il attendait.
Les valets du bourreau alors intervinrent.
L’un d’eux, par les 'epaules, coucha OEil-de-Boeuf sur la planche de la bascule. Les courroies, que maniait un autre valet, boucl`erent les chevilles, les 'epaules du malheureux. Un troisi`eme aide se tenait pr^et `a tirer la t^ete du condamn'e par les oreilles afin de l’introduire dans la lunette o`u, dans quelques secondes, le couperet allait s’abattre avec une foudroyante rapidit'e.
Et tout cela s’'etait fait en moins d’une demi-seconde. Et d'ej`a Deibler, visage impassible, pesait sur le levier manoeuvrant la bascule.
Fant^omas vit distinctement l’effort que faisait le bourreau. Il voyait le geste de Deibler. Il le voyait… et, brusquement, il s’'etonnait de le voir.
Des l`evres du bandit, alors, un rauque juron s’'echappait :
— Mort de Dieu, mais qu’est ce qu’il se passe ?
Que se passait-il, en effet ?
C’'etait, autour de la guillotine, en cet instant, un affolement extraordinaire.
Et tandis que, de la foule, aussi bien que des soldats rang'es tout autour de la
Deux minutes plus tard, sans doute, brusquement le Procureur intervint. On d'eligota le condamn'e 'evanoui. Des hommes le prirent aux 'epaules. On l’emporta vers la prison, cependant que la foule, rompant les barrages, commencait `a envahir la place. Cependant que les commandants du service d’ordre, sabre en main, hurlaient `a leurs hommes :
— Chargez. Il ne faut pas que la foule approche des bois de la justice.
***
Au moment o`u Deibler avait appuy'e de toutes ses forces sur le levier commandant le d'eclic de la guillotine, et qu’il 'etait effar'e de le voir r'esister, Juve, qui se tenait `a quelque distance de la machine fatale, s’'etait 'elanc'e en courant vers le bourreau.
Juve 'etait bl^eme, Juve tremblait de tous ses membres.
Et comme l’instant fatal s’'eternisait, comme le couperet ne tombait pas, Juve le premier s’'etait 'ecri'e :
— Cela ne peut pas durer. Il faut d'etacher le condamn'e. Vous voyez bien que la guillotine est truqu'ee. Il faut t'el'egraphier au Pr'esident de la R'epublique qu’il fasse gr^ace.
Le Procureur, qui d’ailleurs perdait la t^ete, hurlait lui aussi au bourreau :
— Vous voyez bien que la guillotine est cass'ee. L^achez le condamn'e. Qu’on le ram`ene en prison.
Dans un grand brouhaha, les aides de Deibler, affol'es, entra^in`erent OEil-de-Boeuf.
Les officiels, sur les traces du condamn'e, s’engouffr`erent dans la prison, dont les portes ouvertes semblaient happer le cort`ege de tous ces hommes 'eperdus.
Seul, Juve demeurait `a c^ot'e de la guillotine, en compagnie de Deibler, de Deibler, bl^eme lui aussi, pour une fois.
Et Juve encore, fut le premier `a comprendre.
Il se pr'ecipita d’un mouvement fou vers la guillotine, il s’agenouilla sur les premiers montants des bois de justice, il se penchait sous la bascule, et soudain il hurla :
— L`a, l`a, ah, sacr'edi'e, je m’en doutais. Ce ne peut ^etre que Jean-Marie qui a fait cela. Ah mis'ericorde.
Et Juve introduisant la main dans le m'ecanisme commandant le syst`eme de bascule en retirait, au risque de se faire broyer les doigts, quelque chose de rouge, quelque chose qui 'etait cach'e l`a, quelque chose qui 'etait le portefeuille rouge.
C’'etait le moment o`u la populace affol'ee, hurlante, d'ebordait les barrages, envahissait la petite place.
— Monsieur Juve.
Deibler qui d’abord n’avait rien compris au geste du policier qui, atterr'e, avait regard'e sans voir, cette chose rouge que Juve, une seconde, agitait triomphalement, avait voulu se pr'ecipiter sur le d'etective. Deibler n’avait pas fait deux pas qu’il se heurtait au premier groupe se pr'ecipitant vers la machine sinistre et poursuivi par les gendarmes. Le bourreau fut pris dans un remous de foule, bouscul'e, renvers'e presque, il ne voyait plus Juve.
Juve avait disparu.
***
— Il faut jouer serr'e.
Juve, hors d’haleine, ayant couru de toute la vitesse dont il 'etait capable, jusqu’`a la gare, se pr'ecipita comme un furieux au guichet o`u l’on d'elivrait les billets.
— Pas de doute, songeait le policier `a cet instant ; Fant^omas doit ^etre l`a. Fant^omas doit avoir vu que je m’emparais du portefeuille. Il doit ^etre sur ma piste. Je vais l’avoir `a mes trousses dans moins de cinq minutes. Ah, Dieu veuille qu’un train parte tout de suite, parte avant qu’il ait pu me rejoindre. Dieu veuille que je puisse porter jusqu’`a Paris ce document, que je puisse le remettre entre les mains du prince Nikita.
Et Juve, cogna au guichet, faisant un vacarme de tous les diables :
— La pr'epos'ee ? C’est stupide. Il n’y a donc personne. Un billet pour Paris. Un billet de premi`ere. Vite.
Les appels du policier, ses hurlements plut^ot, avaient fini par secouer l’apathie d’un employ'e, occup'e `a lire un journal du lieu.
— Eh bien, quoi ? apr`es ? Vous en avez une mani`ere, de demander un billet. Vous avez bien le temps. Le rapide part que dans une demi-heure.
— Nom de Dieu, donnez-moi un billet. Je ne vous demande pas autre chose.