L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Il arrivait par une porte, face `a la fen^etre, et d`es lors, son visage 'etait 'eclair'e en pleine lumi`ere.
C’'etait un homme robuste, au visage 'energique et distingu'e. Il 'etait glabre, `a ses tempes quelques cheveux grisonnaient, sa bouche 'etait bien dessin'ee, son nez l'eg`erement arqu'e, ses sourcils bien trac'es et sous ses paupi`eres p'etillaient de grands yeux noirs, desquels sortait une flamme sombre.
L’homme s’inclina l'eg`erement devant Juve :
— Qui ^etes-vous ? demanda enfin le policier qui, apr`es avoir fix'e longuement le nouveau venu, 'etait oblig'e de se cramponner, non point parce qu’il avait peur, mais pour dissimuler le tressaillement nerveux que provoquait chez lui l’apparition soudaine de cet homme.
Et ses yeux se fixaient particuli`erement sur la chevelure, une chevelure blonde et mate, sans brillant, sans reflet, une chevelure bizarre, 'etrange. L’homme cependant r'epliqua d’une voix grave et harmonieuse :
— Je suis, monsieur, quelqu’un qui vient vous demander justice.
— Parlez, fit Juve, cependant que Fandor qui s’'etait lev'e, regardait, avec une anxi'et'e profonde, aussi bien le policier que son interlocuteur.
— Une femme que j’aime, d'eclara cet homme, a 'et'e myst'erieusement, l^achement assassin'ee, une autre que j’affectionne profond'ement a disparu, en outre mes amis ont 'et'e trahis sans que je puisse savoir par qui.
— Et alors monsieur ? interrogea Juve.
— Alors, poursuivit l’inconnu, je viens vous demander votre appui.
Il sembla que cette d'eclaration faisait sur le policier, sur Fandor et m^eme sur l’acteur Dick, une impression extraordinaire.
Juve r'ep'eta :
— Qui ^etes-vous ? Qui ^etes-vous ?
Et alors, brusquement, l’homme s’avanca d’un pas au milieu de la pi`ece. D’un geste rapide, il arracha sa perruque, puis la foulant `a terre, sous ses pieds, il poursuivit :
— `A quoi bon cette com'edie, Juve ? elle est indigne de nous. Voil`a cinq minutes que vous m’avez reconnu et vous savez fort bien que devant vous se trouve Fant^omas.
Le policier n’avait pas sourcill'e.
— Je le sais, en effet, fit-il, j’attendais que vous ayez jug'e bon de me le dire.
Le claquement sec d’une arme fit se retourner Juve et Fant^omas. L’acteur Dick venait de tirer un revolver de sa poche :
— Fi donc, monsieur, articula Fant^omas, laissez cela. Juve aurait pu me br^uler la cervelle il y a d'ej`a quelques instants, de m^eme que j’aurais pu le tuer moi-m^eme si je l’avais voulu. Laissez-nous en paix je vous en prie, il est 'evident que nous avons `a causer.
Cependant que perplexe, Dick remettait son arme dans sa poche, un sourire errait sur les l`evres de Fandor. Seuls Juve et Fant^omas demeuraient s'ev`eres.
Fant^omas reprit, sombre :
— Je viens `a vous, Juve, je me livre `a vous. C’est une belle capture, n’est-il pas vrai, que vous allez faire ? Mais en 'echange, il me faut votre concours, votre appui. Il est un homme audacieux et t'em'eraire qui me supplante, je veux le conna^itre. Je veux le tenir. C’est lui qui a tu'e lady Beltham. Il est vrai que je m’en suis d'ej`a veng'e en guillotinant Rose Coutureau.
— Pourquoi ? demanda Juve calmement.
— J’ai tu'e Rose Coutureau parce que cet homme devait ^etre amoureux d’elle, qu’il la prenait en piti'e tout au moins, puisqu’il avait d'eploy'e une belle 'energie pour l’arracher du D'ep^ot.
Fandor ne put s’emp^echer d’interroger `a son tour :
— Ce n’'etait donc pas vous qui aviez embauch'e la grande Berthe, le soir des Buttes-Chaumont, pour aller prendre la place de Rose Coutureau ?
— Non.
Fandor insista :
— J’ai failli vous tuer chez le p`ere Coutureau, si vous n’aviez pas imagin'e de surmonter votre t^ete d’une t^ete de bois, que j’ai travers'ee d’une balle de revolver.
— Vous faites erreur, Fandor. L’homme que vous aviez en face de vous, ce n’'etait pas moi.
— Avant-hier, `a Enghien, poursuivit Fandor, vous m’avez gris'e, endormi par un soporifique, vous m’avez laiss'e seul dans une maison d'eserte, priv'e de sentiment.
— Ce n’est pas moi, Fandor, qui vous ai endormi. Si je l’avais fait, je vous aurais certainement tu'e ensuite. Avant-hier d’ailleurs, j’'etais face `a face avec Juve et si nous n’avions pas eu entre nous Sarah Gordon, nous nous serions fusill'es `a bout portant.
— Sarah Gordon, balbutia Dick, 'etait-elle donc…
Mais Juve lui fit signe de se taire, et `a son tour, il interrogea Fant^omas :
— Vous avez jug'e bon, d'eclara-t-il, de d'enoncer vos amis, de faire surprendre le Bedeau, Bec-de-Gaz, OEil-de-Boeuf, n’est-ce pas ?
Mais Fant^omas, d’un geste 'energique protesta :
— Jamais, Juve, et semblable supposition ne devrait pas venir `a votre esprit ! Je suis ce que je suis, tout ce qu’il vous plaira, mais pas un tra^itre.
Le policier se croisait les bras :
— Assez parl'e, dit-il, que voulez-vous ?
Le bandit redressa la t^ete, regarda Juve.
— Je ne veux qu’une chose, dit-il, vengeance d’abord, justice ensuite.
— En attendant, d'eclara Juve, je vous arr^ete.
Et il s’approchait du Ma^itre de l’Effroi.
Fandor s’en 'etait approch'e lui aussi, il connaissait trop Fant^omas, il le connaissait assez, le monstre, pour tout redouter de lui.
Mais 'evidemment, Fant^omas 'etait subjugu'e, terrass'e par quelque nouveau myst`ere, par quelque folle angoisse. Il 'etait venu librement se livrer `a Juve et librement encore, il se laissait prendre.
Juve lui passa les menottes, les doubla, d’un cabriolet, il ligota Fant^omas, mais le policier r'ep'etait, comme s’il n’osait croire ce qu’il disait, `a ce qu’il faisait :
— Je vous arr^ete, Fant^omas, au nom de la loi.
Cependant que le bandit se contentait de r'epondre :
— Juve, faites votre devoir.
C’'etait une sc`ene 'eminemment tragique et poignante. Cela 'etait cependant.
Quelqu’un qui encore ne pouvait en croire ses yeux, c’'etait J'er^ome Fandor.
Le journaliste s’'etait appuy'e au dos d’une chaise,pour ne pas chanceler, tant il 'etait 'emu. Il songeait tout bas :
— Il y a donc d'esormais Fant^omas et Fant^omas…
FIN
[1] - La ligne Montparnasse-Saint-Germain-des-Pr'es (ligne AM) appartenait `a la Compagnie G'en'erale des Omnibus. Un arr^et'e pr'efectoral du 12 mai 1906 autorisait la compagnie, `a titre d’essai, `a substituer sur cette ligne des voitures automobiles aux voitures `a traction animale.