L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— Monsieur, demanda-t-elle d’une voix plus douce, il serait au moins poli de votre part de m’expliquer le but de votre visite.
— Vous avez raison, mademoiselle, et si je redoute d’apprendre `a votre sujet, des choses qui m’imposeraient la n'ecessit'e p'enible de vous arr^eter, je dois vous dire que je viens vous trouver sans parti pris, sans mauvaise volont'e, avec l’unique d'esir de tirer cette histoire au clair, et de rendre justice `a ceux qui y ont droit.
— Monsieur, poursuivit Sarah Gordon, je suis pr^ete `a vous r'epondre, interrogez-moi.
***
L’entretien avait dur'e longtemps et les deux interlocuteurs avaient d^u se dire des choses graves, car, sans une interruption, ils avaient successivement parl'e, veillant `a ne pas 'elever trop la voix pour ^etre certains de n’^etre point entendus.
Le soleil 'etait d'ej`a haut, lorsque par la fen^etre de la chambre de Sarah Gordon, un homme se glissa myst'erieusement, enjamba le balcon et, se laissant glisser le long d’un tuyau de goutti`ere, atteignit le sol. Cet homme se mit ensuite `a marcher rapidement en rasant les murs de l’h^otel.
Quiconque aurait vu ce fugitif descendre de ce balcon l’aurait pris `a coup s^ur pour un amoureux arrach'e par l’aube aux 'etreintes de sa ma^itresse. Que penser en effet lorsqu’un couple passe une nuit enti`ere dans la m^eme chambre ?
Toutefois, si les apparences permettaient de former toutes les suppositions `a ce sujet, la r'ealit'e 'etait tout autre.
L’homme qui venait de s’en aller ainsi de la chambre de Sarah Gordon 'etait le policier Juve qui ne tenait point `a ^etre apercu du personnel de l’h^otel.
L’inspecteur de la S^uret'e semblait fort satisfait de son entretien avec l’Am'ericaine. Il avait respir'e de profondes bouff'ees d’air frais et allum'e une cigarette avec une 'evidente satisfaction.
— Je crois d'ecid'ement, pensait-il, que maintenant Sarah Gordon est hors de cause. Il me reste `a savoir cependant quelle est la personnalit'e exacte de ce Dick, et aussi quelles sont les raisons si myst'erieuses qui l’emp^echent de partir avec celle qu’il aime. Tout cela n’est pas clair et, malgr'e moi, je suis oblig'e de faire un rapprochement entre l’assassinat par Fant^omas de la pauvre petite Rose et ce Dick qui, justement ce soir-l`a, n’est pas venu tenir son r^ole au th'e^atre et a ainsi permis `a ce tortionnaire d’interpr'eter si tragiquement le Bourreau.
Le policier avancait toujours d’un pas rapide et il passait devant une maison d'eserte, lorsque soudain il s’arr^eta brusquement :
Ne venait-on pas de prononcer son nom ? Il 'ecouta, il entendit encore :
— Juve.
Le policier regardait autour de lui, machinalement, ne voyait personne, lorsqu’un bruyant 'eclat de rire fusa au-dessus de sa t^ete.
— Ah par exemple, Fandor !
Au balcon d’une villa, au premier 'etage de cette maison, apparaissait en effet le visage de Fandor.
Le jeune homme avait les traits tir'es, les joues assez p^ales, cependant qu’il souriait, et ses yeux brillaient d’un 'eclat extraordinaire. Voyant Juve, il rit et il r'ep'eta :
— Quelle bonne chance de vous rencontrer, mon cher ami. Donnez-vous donc la peine d’entrer !
Juve ind'ecis demeurait `a l’entr'ee de la grille du jardin.
— Qu’est-ce que cela signifie ? s’'ecria-t-il. Comment se fait-il que je te retrouve ici ? Chez qui es-tu, Fandor ?
— Chez qui je suis ? r'epliqua le journaliste, je n’en sais fichtre rien ou alors je m’en doute trop. Mais, Juve, ne restez donc pas l`a, comme un mendiant sur le seuil de la porte. Entrez, je vous en prie.
Machinalement, le policier fit quelques pas dans le jardinet. Il se heurta `a une porte ferm'ee, il cria :
— Mais tout est verrouill'e, Fandor.
De son balcon, le journaliste lui jeta :
— Diable, je n’y avais pas song'e. Attendez un instant, je vais essayer de vous ouvrir de l’int'erieur. Le temps de descendre l’escalier, ce qui ne sera peut-^etre pas tr`es commode, pourvu que je ne me fiche pas la figure `a terre.
Pendant quelques instants, Juve et Fandor, plac'es de part et d’autre de la porte d’entr'ee, s’efforc`erent de l’ouvrir. Ils y parvinrent enfin. Lorsque Juve p'en'etra dans la maison, il recut pour ainsi dire Fandor dans ses bras. Le jeune homme riait nerveusement, mais il chancela, tituba :
— Qu’as-tu donc ? fit Juve qui s’efforcait vainement de le faire se tenir debout.
— Il y a, fit Fandor, que je suis abruti, 'etourdi, tr`es 'etourdi. Je viens de me r'eveiller, il y a une heure environ, glac'e, transi de froid et je ne peux pas encore arriver `a reprendre bien nettement mes esprits. Je me demande m^eme comment il se fait que je sois vivant.
— Vivant ? s’'ecria Juve. As-tu donc couru quelque danger ?
— Je crois.
Juve, cependant, consid'erait curieusement l’immeuble dans lequel il se trouvait et le rez-de-chauss'ee de cette maison qu’occupait si bizarrement Fandor. Il y avait l`a quelques meubles, sans importance, et v'eritablement insuffisants pour permettre `a quelqu’un d’habiter cette demeure.
Cependant, les deux hommes s’'etaient install'es sur une banquette, et Fandor qui, peu `a peu retrouvait son 'equilibre physique et moral racontait `a Juve la facon soudaine dont il s’'etait endormi.
— Qu’en concluez-vous ? demandait-il enfin.
`A sa grande surprise, Juve lui r'epondit :
— Avant de conclure, je me demande, Fandor, si tu ne r^eves pas encore et si tout cela t’est r'eellement arriv'e ?
— Eh bien, vous en avez de bonnes, fit le journaliste, tr`es vex'e des doutes que formulait le policier. Voulez-vous, `a votre tour, m’expliquer pourquoi vous ne me croyez pas ?
— Oh bien volontiers, fit Juve, et pour douter de toi, j’ai deux raisons…
— Allez-y, fit Fandor, envoyez-moi votre boniment. Je verrai ensuite ce que je dois y r'epondre.
— J’y vais, comme tu dis, de mon boniment, et j’ai deux arguments `a te servir. Primo, je doute que tu aies pass'e hier soir la soir'ee en t^ete-`a-t^ete avec Fant^omas et qu’il t’ait endormi comme tu pr'etends, parce que, d`es lors que tu aurais 'et'e hors d’'etat de lui nuire, m^eme de lui r'esister, il me semble que Fant^omas aurait trouv'e l’occasion excellente pour te faire passer le go^ut du pain et t’envoyer dans l’autre monde.
— Pardon, interrompit Fandor, avant que vous ne m’indiquiez le deuxi`eme argument, puis-je r'epondre au premier ?
— Vas-y.
— Eh bien, fit Fandor, il n’y a pas de preuves que Fant^omas ait voulu me tuer. Il n’a, en effet, de la reconnaissance et de la bont'e que dans un seul cas : c’est lorsque l’on prot`ege H'el`ene. Or, je venais pr'ecis'ement de l’arracher aux mains de Nalorgne et P'erouzin.
Juve hocha la t^ete silencieusement.
— Hein ? vous ^etes coll'e !
— Non, car voici mon second argument, et il suffit. Le premier n’est pas n'ecessaire. Je doute que tu aies vu hier soir Fant^omas, parce que, `a la m^eme heure, c’est moi qui ai eu un t^ete-`a-t^ete avec lui.