L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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— S^ur que je ne voudrais pas de Bec-de-Gaz, d'eclara-t-elle. C’est bon pour ^etre copains, mais pas pour autre chose. Quant `a Beaum^ome, j’y tiens pas plus que cela. D’ailleurs, c’est un salaud, et un l^acheur ! Un homme qui fait ce qu’il fait est capable de tout.
OEil-de-Boeuf et Bec-de-Gaz, avec des mines graves, approuv`erent la pierreuse. Ils savaient, en effet, ce que celle-ci reprochait `a Beaum^ome. N’avait-il pas eu pendant un certain temps deux ma^itresses, elle et Rose Coutureau, et d'esormais ne pr'ef'erait-il pas cette derni`ere `a Ad`ele qui, pourtant, s’'etait d'evou'ee ?
— Puisqu’y m’plaque, j’m’en fous, disait Ad`ele, J’vas prendre un autre homme, le Bedeau, par exemple qui, sans doute est un peu vieux, mais c’est un type s'erieux, solide, et bien capable de d'efendre sa m^ome `a l’occasion.
— Le Bedeau, d'eclara Bec-de-Gaz, il en a sa claque des gonzesses. Rapport `a ce qu’il a toujours des emb^etements avec elles. Rappelle-toi plut^ot ce qui est arriv'e quand il 'etait avec Fleur-de-Rogue ?
— Oui, poursuivit OEil-de-Boeuf, s^urement que tu n’aurais rien `a faire avec le Bedeau, et moi j’ai comme une id'ee que nous pourrions te proposer une bien meilleure combine.
OEil-de-Boeuf regarda Bec-de-Gaz, lequel devinant ce qu’il allait offrir `a Ad`ele, l’approuva d’un hochement de t^ete.
OEil-de-Boeuf poursuivit :
— En somme, on est tous les deux, Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf, de bons, de tr`es bons copains. Comme qui dirait les deux doigts de la main, seulement ce qui nous manque, c’est une femme. Alors pourrait-on pas s’arranger pour vivre tous les trois en m'enage ?
La proposition aussi nettement formul'ee, ne parut pas scandaliser outre mesure Ad`ele qui, d'ecid'ement, tenait surtout `a ne pas rester sur la mauvaise impression que produisait autour d’elle le l^achage de Beaum^ome.
Et, pendant quelques instants, les trois interlocuteurs se mirent `a 'etudier de tr`es pr`es ce projet.
Au parterre, cependant, deux hommes qui s’'etaient rencontr'es poussaient chacun une exclamation de surprise :
— La Carafe !
— T^ete-de-Lard !
C’'etait la premi`ere fois que les deux apaches se rencontraient, depuis le fameux jour o`u ils avaient 'et'e si brutalement s'epar'es l’un de l’autre, lorsque Fant^omas leur avait jou'e le mauvais tour de les pr'ecipiter `a la Seine.
On avait vaguement racont'e dans les milieux interlopes que T^ete-de-Lard avait 'et'e sauv'e par la police, puis boucl'e. Les mauvaises langues ajoutaient qu’il avait m^eme servi d’indicateur. Aussi, pendant huit jours, avait-on prof'er'e `a son 'egard des menaces terribles, et d'ecid'e que l’on mettrait `a mort cet ancien charcutier au visage gras, fuyant et peu net. Puis, nul n’ayant 'et'e arr^et'e, on 'etait revenu sur cette opinion et d’autre part, T^ete-de-Lard semblait avoir 'et'e r'ehabilit'e par Fant^omas lui-m^eme lorsque celui-ci lui avait manifest'e ainsi qu’au Bedeau, sa confiance, en le faisant intervenir dans l’affaire de la grande Berthe. Dans un groupe, quelques apaches d’ailleurs, auxquels se joignaient d'esormais La Carafe et T^ete-de-Lard, f'elicitaient la grande Berthe d’^etre sortie de prison. B'eb'e d'eclarait admiratif :
— Pour une combine 'epatante, c’en est une. T’as vraiment du talent, la m^ome. Mais qui c’est qui t’a aid'ee, et pourquoi qu’t’as fait sauver la Rose Coutureau de la taule ?
Mais la grande Berthe ne voulait donner aucun renseignement `a ce sujet.
Le tapage, cependant, croissait dans la salle et, sur l’air des Lampions, la foule impatiente r'eclamait :
— Le rideau ! Le rideau !
Puis, le bruit peu `a peu augmenta, devint un v'eritable vacarme. Ensuite, par enchantement, on se tut et les spectateurs, r'esign'es, reprirent le cours de leur conversation.
Tout d’un coup, le silence se fit d'efinitivement dans la salle, puis, brusquement, on applaudit fr'en'etiquement :
Les trois coups venaient enfin d’^etre frapp'es. Il y eut un remue-m'enage au parterre et aux galeries. Pendant cinq minutes, on se bouscula consciencieusement pour gagner sa place, puis tout se tut. Le rideau se levait.
***
Cependant, depuis trois quarts d’heure environ, l’affolement le plus complet, le d'esarroi le plus intense, r'egnaient dans la coulisse.
Toutes les cinq minutes, Beaum^ome, pr'epos'e aux manoeuvres du rideau, 'etait venu de son air cafard et en se dandinant sur ses courtes jambes, demander `a M. Rigou, r'egisseur g'en'eral :
— C’est-y qu’on peut lever ?
Et, chaque fois, M. Rigou avait r'epondu sur un ton 'enerv'e :
— On ne peut pas. Dick n’est pas encore arriv'e.
Beaum^ome, indiff'erent, haussait les 'epaules, retournait `a son poste, tra^inant ses espadrilles sur le plancher poussi'ereux du th'e^atre.
Puis, il revenait encore au bout de quelques instants :
— C’est-y qu’on peut lever ?
Il obtenait la m^eme r'eponse. `A la troisi`eme fois, il fit observer :
— Les types rousp`etent dans la salle ! S^ur qu’ils vont tout casser.
M. Rigou serra les poings, leva les yeux au ciel, mais il ne pouvait donner l’ordre de lever le rideau, Dick, le principal interpr`ete, n’'etait pas l`a.
Et M. Rigou qui assumait toutes les responsabilit'es, sentit le d'esespoir l’envahir.
On avait fait, ce soir-l`a, une si bonne recette, que, bien avant l’heure `a laquelle devait commencer la repr'esentation, la salle 'etait comble, et c’est pourquoi, contrairement aux usages, M. Rigou avait pu venir dans les coulisses, avant la seconde partie du spectacle, alors qu’en temps ordinaire il restait au contr^ole jusqu’`a la fin du deuxi`eme acte, pour surveiller la caisse qui vendait encore des places `a des retardataires.
Les affaires du th'e^atre marchaient bien et, depuis quelques jours, on 'etait tomb'e sur un excellent programme que certainement on pourrait faire tenir pendant toute une quinzaine.
La pi`ece principale s’appelait Les Amours du Bourreau ou L’Enfant de la Guillotine. C’'etait un drame sombre, en vingt-sept tableaux, de telle sorte que la moiti'e du temps se passait en entractes pour que l’on p^ut op'erer les changements. Malgr'e ces inconv'enients mat'eriels, l’oeuvre th'e^atrale, due `a un professionnel du roman-feuilleton, remportait un vif succ`es.
Elle avait d’excellents interpr`etes, parmi lesquels le jeune acteur Dick, qui tenait superbement le r^ole du bourreau Sanson.