L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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En pleine rue, cet homme avait murmur'e quelque chose `a l’oreille de la jeune fille, et il faut croire que les propos qu’il avait tenus la troublaient singuli`erement, car, changeant brusquement d’itin'eraire, au lieu d’aller chez Fandor, H'el`ene s’'etait dirig'ee vers la gare du Nord.
Elle avait pris le premier train en partance pour Enghien, puis, sit^ot arriv'ee, elle avait demand'e un renseignement `a un sergent de ville et s’'etait dirig'ee `a grands pas vers cette maison d'eserte, dans laquelle elle p'en'etra sans la moindre h'esitation, 'emue cependant au plus haut point.
H'el`ene monta au premier 'etage de cet immeuble qu’elle ne connaissait pas, ex'ecutant simplement `a la lettre et avec une ob'eissance passive les instructions que lui avait donn'ees le myst'erieux personnage qui l’avait abord'ee dans la rue `a Paris.
Elle 'etait d'esormais en face de Dick. Il n’y avait pas de doute, en effet, elle reconnaissait sa voix. L’homme ne dissimulait d’ailleurs pas sa personnalit'e et lorsque H'el`ene lui avait dit :
— Que voulez-vous ? reprit la jeune fille. Que voulez-vous de moi ? Pourquoi m’avoir attir'ee dans ce lieu ?
L’acteur s’inclina devant elle.
— Merci, dit-il, merci d’^etre venue. J’avoue que c’est `a peine si j’osais l’esp'erer.
— Vraiment ? interrompit H'el`ene. Il me semble pourtant, qu’apr`es ce que vous m’avez dit et r'ev'el'e tout `a l’heure, il m’'etait impossible de faire autrement. Vous avez 'evoqu'e de tels souvenirs et rappel'e des choses si tragiques que je ne pouvais pas refuser de venir.
Renoncant `a son attitude respectueuse, Dick, dont les yeux lancaient des 'eclairs, d'eclara triomphalement :
— Et j’imagine que vous ^etes, ce qui mieux est, d'ecid'ee `a m’ob'eir ?
H'el`ene rougit.
Elle, la fille hautaine, fi`ere, autoritaire, qui ne se courbait devant personne, avait 'et'e r'eduite `a baisser la t^ete, et, au lieu de r'epondre comme il le m'eritait au jeune acteur, elle avait gard'e le silence.
— Reconnaissez-le donc, je ferais trembler Fant^omas lui-m^eme.
Et il semblait si 'energique, si d'ecid'e en prof'erant ces audacieuses paroles, qu’H'el`ene, anxieuse, avait demand'e :
— Ah dites-moi, de gr^ace… Quel homme ^etes-vous ?
Le myst'erieux com'edien ne r'epondit point. Mais il ne pouvait s’emp^echer de se souvenir que, quelques heures auparavant, une autre femme, avec laquelle il se trouvait en t^ete-`a-t^ete, Sarah, la jolie Am'ericaine, lui avait demand'e sur le m^eme ton de mortelle angoisse.
— Quel homme ^etes-vous ?
Pas plus qu’`a Sarah Gordon, Dick ne r'epondit `a H'el`ene, mais, avancant un si`ege, il le d'esigna `a la jeune fille, puis, cependant qu’il restait debout, les bras crois'es devant son interlocutrice, il commenca d’une voix r'esolue :
— 'Ecoutez, mademoiselle, voici quels sont mes d'esirs, et sous peine des plus grandes catastrophes, je vous engage vivement `a les consid'erer comme des ordres. Retenez bien ce que je vais vous dire. Suivez `a la lettre mes recommandations.
— Parlez, monsieur, murmura H'el`ene, toute tremblante.
26 – SURPRENANTES RENCONTRES
Dick parti, Sarah avait pass'e par de terribles perplexit'es car, ainsi qu’elle l’avait dit, la jeune femme 'etait tr`es 'eprise de l’acteur, elle se sentait fort troubl'ee par l’'etrange attitude qu’il venait d’avoir.
Devait-elle partir en Am'erique ainsi qu’elle en avait manifest'e l’intention ? Devait-elle, au contraire, c'eder aux supplications du jeune homme et retarder son d'epart, attendre qu’il f^ut libre de s’en aller avec elle ?
Sarah, en digne Am'ericaine qu’elle 'etait, poss'edait un caract`ere ombrageux et supportait mal la contradiction.
Elle s’'etait d’abord imagin'e que Dick accepterait avec enthousiasme le projet de voyage qu’elle comptait lui soumettre, et elle n’en 'etait que plus affect'ee par les r'esistances impr'evues du bel acteur.
— Que veut-il dire avec tous ces myst`eres ? songeait-elle. Pourquoi ne point partir maintenant ? Pourquoi attendre ? Attendre quoi ?
Mais `a toutes les interrogations anxieuses qu’elle pouvait se poser, Sarah ne trouvait point de r'eponse.
D’ailleurs, encore qu’elle e^ut fait l’audacieuse, elle 'eprouvait une secr`ete jalousie `a l’'egard de Dick qui n’'etait point sans augmenter le malaise moral dont elle souffrait.
— Pourquoi a-t-il eu l’air si 'emu de la mort de cette Rose Coutureau ? songeait Sarah.
Puis l’Am'ericaine se r'ep'etait :
— Je sais bien qu’il m’aime et qu’il n’aime que moi.
Mais elle avait beau se r'ep'eter cette assurance, elle avait beau s’affirmer qu’elle n’'etait pas inqui`ete, Dick l’avait troubl'ee avec ses paroles et lui 'etait impossible d’oublier qu’il avait parl'e de venger une femme, cette jeune fille tu'ee la veille par Fant^omas.
Fort 'enerv'ee, fort chagrine en tout cas, Sarah ne savait plus `a quel parti s’arr^eter.
— Je l’aime, je ne vais pas partir, murmurait-elle par moments.
Puis, quelques secondes apr`es, elle secouait la t^ete, froncait ses fins sourcils, tapait du pied :
— Tant pis pour lui ! disait Sarah. Je l’ai pr'evenu que je partais, je lui ai offert de m’accompagner, libre `a lui de venir ou de ne pas venir, je serai sur le transatlantique samedi prochain.
Et, dans ces moments de r'esolution, Sarah commenca avec rage ses pr'eparatifs de d'epart, bouscula ses malles, rassembla ses affaires, sonna la femme de chambre qu’elle renvoya quelques minutes plus tard, ayant `a nouveau d'ecid'e de patienter et d’attendre que Dick e^ut bien voulu lui expliquer son 'etrange attitude.
Or, tout le temps que Sarah h'esitait de la sorte, c’est-`a-dire le matin, puis, l’apr`es-midi, puis encore l’apr`es-d^iner, car la jeune femme remonta imm'ediatement dans sa chambre apr`es la fin du repas, Sarah resta seule. `A tous moments elle avait besoin de domestiques et, certes, elle ne soupconnait pas que ces gens, dont elle r'eclamait les services par leur pr'esence continuelle, 'eloignaient un ma^itre d’h^otel dont l’apparence correcte et banale servait `a dissimuler le redoutable Fant^omas.