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ЖАНРЫ

L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Or, voici qu’il manquait, qu’il 'etait absent sans avoir pr'evenu, sans que l’on s^ut pourquoi. Que fallait-il donc faire ? Pour rien au monde, M. Rigou n’aurait voulu rembourser les places, ce qui 'etait d’ailleurs impossible, une partie de la recette ayant d'ej`a 'et'e distribu'ee aux acteurs pour le r`eglement de leur semaine. Les artistes, habitu'es `a ne s’'emouvoir de rien, demeuraient silencieux et r'esign'es, dans les coulisses, derri`ere les portants.

Dans un coin des coulisses, pr`es du rideau, se trouvaient Beaum^ome et Rose. Les deux amants s’entretenaient `a voix basse, et, malgr'e les plaisanteries dont l’apache 'emaillait sa conversation, sa ma^itresse demeurait sombre :

— Je suis s^ure, murmurait Rose Coutureau, qu’il est arriv'e quelque chose de f^acheux `a mon vieux. Qu’est-ce qu’il a pu devenir, pourquoi n’est-il pas rentr'e ?

Beaum^ome, qui se souciait fort peu du p`ere Coutureau, essayait pourtant de la rassurer :

— Tu t’'etais bien d'ebin'ee toi-m^eme, probable que le vieux en a profit'e pour aller faire la bombe. Il aime bien se so^uler la figure, il a d^u s’envoyer quelque mufl'ee dans un bistrot des environs.

— Ca se pourrait, d'eclarait la gamine, mais ca m’'etonne, car il tombait de sommeil le jour o`u je l’ai quitt'e. Pour qu’il soit sorti de la taule, faut qu’il se soit pass'e quelque chose de grave, il faut surtout, poursuivit-elle, qu’il y ait eu un 'ev'enement extraordinaire, puisqu’il n’est pas encore l`a.

Et, de fait, le p`ere Coutureau, tout comme l’acteur Dick, manquait au th'e^atre. Mais cela n’avait pas la m^eme importance. Les artistes s’'etaient pass'es du vieil habilleur, et la figuration aurait un chef de moins. Cela ne pouvait emp^echer le spectacle de se d'erouler normalement.

— C’est 'egal, j’ai peur, disait Rose Coutureau. Il se passe des choses, depuis quelques jours, qui me donnent de terribles 'emotions.

— Tu t’en fais une bile, dit Beaum^ome. Faut-y que les femmes soient gourdes.

— Je sais ce que je sais, et d’ailleurs, tous ceux qui, comme nous, comme le p`ere et moi, ont eu des rapports avec Fant^omas, en tirent toujours des emb^etements. Vois plut^ot cette histoire de l’avenue Niel. Oh moi, je suis d'ecid'ee ! Ca peut pas durer plus longtemps, et plut^ot que de me retourner les sangs, nuit et jour dans la crainte d’^etre m^el'ee `a ces affaires-l`a, j’irai plut^ot casser le morceau `a la police. Oui, d`es demain, j’irai leur dire ce que j’ai vu, ce que je sais.

Tandis que Rose s’exprimait ainsi quelqu’un s’approchait du r'egisseur g'en'eral.

— Pardon, monsieur ?

M. Rigou se retourna tout d’une pi`ece. Un vieil homme `a l’allure minable, s’adressait `a lui en h'esitant. M. Rigou haussa les 'epaules, tourna les talons, et r'epondit, furieux :

— Il s’agit bien de vous ! Est-ce que tu crois, par hasard, que j’ai le temps de m’occuper de ca ? Quand je pense que mon premier r^ole n’est toujours pas arriv'e et que le troisi`eme acte devrait ^etre commenc'e depuis plus d’une demi-heure, j’ai autre chose `a faire que de distribuer la figuration !

M. Rigou avait bien la mentalit'e des gens de th'e^atre, qui sont, `a certains moments, tr`es aimables, font des offres mirifiques et, tout `a coup, sans raison, ont de grands airs affair'es et semblent ignorer les gens qu’ils tutoyaient et appelaient leur cher ami deux minutes auparavant.

L’interrupteur que M. Rigou venait de rabrouer ne se tint pas pour battu cependant. Il se rapprocha du r'egisseur g'en'eral :

— Je sais le r^ole, d'eclara-t-il, tu n’as qu’`a me le donner et je m’en vais le jouer !

M. Rigou regarda alors avec une certaine complaisance le myst'erieux personnage aux allures de vieux com'edien qui, ce jour m^eme, `a l’heure de l’ap'eritif, avait rencontr'e, au Caf'e du Triangle, le r'egisseur g'en'eral du Th'e^atre Ornano, dont il avait conquis la sympathie en faisant de tr`es bonnes imitations des grands acteurs.

C’'etait ce cabot qui avait pr'etendu s’appeler, `a l’instar du grand anc^etre, tout simplement : Talma, mais Talma Junior.

— Tu as d'ej`a vu jouer la pi`ece et tu connais le r^ole de Dick ?

— Parfaitement !

— Rose Coutureau, et vous autres, les artistes de la sc`ene du d'ebut, arrivez ici !

On s’empressa sur le plateau.

— Commencez `a voix basse, dit-il, et voyez si le camarade peut tenir le r^ole. Je lui enverrai les r'epliques, pour l’aider.

On commencait une premi`ere sc`ene et, en l’espace de quelques instants, M. Rigou fut transfigur'e :

— Mais c’est 'epatant ! cria-t-il. Mon cher Talma, tu connais le r^ole aussi bien que Dick lui-m^eme. Pourras-tu continuer comme ca jusqu’au bout ?

— Jusqu’au bout, je n’ai pas peur.

— Risquons le paquet ! dit M. Rigou.

Et aussit^ot, se pr'ecipitant vers Beaum^ome, il lui cria :

— Frappe les trois coups, mon vieux, et allons-y, au rideau !

Avec trente-cinq minutes de retard, le spectacle reprit, la derni`ere recommandation de M. Rigou avait 'et'e :

— Encha^inez vivement vos r'epliques, mes enfants, pour que nous puissions finir `a l’heure.

Et les artistes, stimul'es `a l’id'ee qu’ils pourraient tr`es probablement terminer `a temps pour prendre leur m'etro, interpr'etaient leurs r^oles respectifs avec entrain, ce qui donnait `a la pi`ece une saveur toute nouvelle et du meilleur aloi.

Ce fut un long cri de surprise, des murmures 'etonn'es dans la salle lorsque l’on vit appara^itre le bourreau Sanson. Les habitu'es, en effet, connaissaient l’interpr`ete du r^ole : le jeune et beau com'edien Dick, la coqueluche de toutes les femmes et l’artiste que les hommes n’osaient pas critiquer, tant il 'etait notoirement adroit et remarquable.

Or, voici qu’un vieillard, ou tout comme, le remplacait et instinctivement la foule se disposait `a faire un mauvais accueil au com'edien qui avait eu l’audace de se substituer `a Dick, sans que l’on ait fait au pr'ealable une annonce, sans qu’il se soit excus'e de prendre une si grande libert'e. Certes, la salle 'etait mal dispos'ee `a l’'egard du nouveau. On murmurait bien des :

« Qu’est-ce que c’est que ce type-l`a ? Non mais, il en a du culot de vouloir remplacer Dick ! » et quelques pelures d’oranges vinrent m^eme s’abattre sur la sc`ene mais celui qui s’'etait donn'e pour Talma Junior plongea sur la foule son regard 'energique cependant qu’avec nettet'e il d'ebitait son r^ole.

C’'etait quelqu’un que cet artiste et assur'ement s’il ne jouait pas de la m^eme facon que Dick, il avait sa mani`ere `a lui de camper le personnage du bourreau, qu’il faisait terrible et redoutable rien que par les gestes et le ton.

M. Rigou, install'e dans la bo^ite du souffleur et qui, tout en suivant attentivement le manuscrit, n’avait pas vu commencer le spectacle sans une certaine appr'ehension, se rassurait.

Lorsque le troisi`eme acte fut termin'e, une salve d’applaudissements consacra le succ`es d'efinitif du com'edien qui avait remplac'e le beau Dick au pied lev'e.

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