L'?vad?e de Saint-Lazare (Побег из Сен-Лазар)
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Les trois interlocuteurs s’arr^et`erent soudain : ils venaient d’entendre du bruit dans la pi`ece voisine. Fant^omas fit un signe. Ils bondirent au rez-de-chauss'ee, non point par l’escalier qui faisait directement communiquer le premier 'etage avec la rue, mais par celui qui descendait dans la salle commune.
Ils bouscul`erent le p`ere Pioche, le renvers`erent :
— Mis'erable, hurla Fant^omas, en d'ecochant un formidable coup de poing dans le visage du gargotier, mis'erable. Qui donc t’as pay'e pour venir nous espionner ? Qui donc as-tu mis dans le cabinet voisin de celui que j’occupais ?
Pioche s’'etait `a peine redress'e et allait balbutier quelques excuses sans bien comprendre ce dont il 'etait coupable, que son interpellateur qui, majestueusement, traversait la salle commune, atteignait la porte et s’'eclipsa.
— Bon Dieu, jura Pioche, au milieu des 'eclats de rire de l’assistance, ce salaud-l`a se d'ebine sans payer, heureusement qu’il reste les autres.
Pioche monta. Le cabinet 41 'etait vide. Fleur-de-Rogue et le Bedeau avaient disparu, mais, apr`es un instant de stup'efaction et de d'esespoir, Pioche se rassura :
— Qu’est-ce que cela me fait ? C’est `a Fleur-de-Rogue que je m’en prendrai.
Le d'epart des trois interlocuteurs avait 'et'e soudain et rapide et non sans raison, Fant^omas, le Bedeau et Fleur-de-Rogue s’'etaient apercus, en effet, tout d’un coup, que dans le cabinet voisin il y avait du monde. Or, ils se doutaient que ces gens devaient 'ecouter, et comme ils craignaient d’^etre d'ecouverts, appr'ehend'es par eux, ils s’'etaient sauv'es, trouvant pr'ef'erable de ne pas risquer une bagarre dans un semblable lieu. Toutefois, si Fant^omas et ses compagnons s’'etaient imagin'e qu’ils avaient autour d’eux des adversaires, le G'enie du Crime 'etait `a cent lieues de songer que ceux-l`a m^eme qui les 'ecoutaient n’'etaient autres que Fandor et sa fille. Fant^omas, assur'ement, malgr'e son audace et sa t'em'erit'e, aurait fr'emi s’il avait su qu’`a travers la mince cloison qui s'eparait la pi`ece dans laquelle il se trouvait, du cabinet 22, le canon d’un revolver avait 'et'e, quelques instants, braqu'e sur sa poitrine.
Fandor, en effet, en 'ecoutant la conversation dont il percevait nettement les 'echos, n’avait pas tard'e `a reconna^itre ceux qui occupaient le cabinet voisin.
Avec stupeur, il s’'etait apercu de la pr'esence de Fleur-de-Rogue et du Bedeau, avec une indicible col`ere il avait reconnu Fant^omas.
Et d`es lors, le jeune homme, comme 'electris'e, avait bondi, pris son arme dans la poche de son pardessus. Mais H'el`ene 'etait l`a et la jeune fille ne pouvait oublier, malgr'e tout, que Fant^omas 'etait l’auteur de ses jours et que son devoir `a elle 'etait de le prot'eger en d'epit de tout et contre tous.
Fandor, le bras tendu, avait vis'e `a travers la cloison par un interstice des planches disjointes, la poitrine de Fant^omas qu’il voulait transpercer.
Mais H'el`ene s’'etait pr'ecipit'ee devant le journaliste, elle avait interpos'e son corps souple et 'el'egant entre le canon du revolver et la cloison menac'ee :
— Vous ne tirerez pas, Fandor, avait-elle murmur'e.
Le journaliste, en effet, avait laiss'e tomber son arme.
— H'el`ene, murmura-t-il, en s’efforcant d’'ecarter la jeune fille pour sortir de la pi`ece, laissez-moi, il faut que j’intervienne, Fant^omas est l`a, `a ma merci et je ne puis…
Mais H'el`ene avait arr^et'e Fandor, elle l’avait retenu en nouant autour de son cou ses deux bras, en unissant ses l`evres aux siennes.
Cela n’avait dur'e qu’un instant, qu’une seconde, mais Fant^omas et ses compagnons en avaient profit'e pour dispara^itre. Fandor s’'etait arrach'e `a l’'etreinte amoureuse d’H'el`ene, mais lorsqu’il sortit du cabinet 22, le 41 'etait vide.
22 – LA LOGIQUE DE RIQUET
Debout dans le cabinet de son fils Paul, Mme Granjeard, le v'eritable directeur de l’usine, l’^ame m^eme de la formidable industrie qui repr'esentait sa fortune, dictait ses instructions `a Paul Granjeard.
— Tu leur r'epondras, disait-elle, d'esignant une lettre que son fils venait de lui passer, que nous n’avons pas cette sorte de fers et que nous ne tenons pas `a les avoir. 'Ecris cela sur un ton d'esagr'eable, qu’ils comprennent bien que s’ils veulent s’adresser `a un concurrent, ils devront rompre toutes relations commerciales avec nous. On n’a pas id'ee de cela. Voil`a maintenant que les clients se documentent avant de s’adresser `a nous. Je les ai moi-m^eme recus la semaine derni`ere, j’avais 'etudi'e la question, et ils ne s’en rapportent pas `a ce que je leur ai dit. Nous avons autre chose `a faire qu’`a discuter technique pour des commandes de si peu d’importance.
Au m^eme moment, on frappait `a la porte de la pi`ece. Mme Granjeard r'epondit :
— Entrez.
C’'etait une nomm'ee Julie, r'ecemment engag'ee par les Granjeard et qui, certainement, n’'etait pas des mieux styl'ees.
— Madame, commencait la bonne, c’est comme qui dirait un courtier en vins qui voudrait `a toute force vous parler.
— Dites que je ne suis pas l`a.
— Faites excuse. Madame, mais il sait que vous ^etes l`a, je le lui ai dit…
— Vous ^etes une sotte. Arrangez-vous pour qu’il s’en aille.
— C’est que, Madame, il a dit comme ca, que je vous pr'evienne qu’il venait de la part de M. Th'eodor.
— Il vient de la part de M. Th'eodor ? Allons, bon, faites-le entrer dans le petit salon.
Mme Granjeard, d’abord bien d'ecid'ee `a ne pas recevoir le courtier en vins qui venait l’importuner chez elle, avait brusquement chang'e d’avis en entendant le nom de M. Th'eodor.
M. Th'eodor 'etait, en effet, un oncle 'eloign'e de la famille Granjeard, un oncle c'elibataire qui poss'edait une grosse fortune. Ce parent, depuis la mort myst'erieuse de Didier Granjeard, n’avait donn'e aucun signe de vie `a ses parents. Plus m^eme, il avait paru terriblement impressionn'e par les malheurs successifs qui s’'etaient abattus sur les Granjeard, et notamment par leur arrestation. Si vraiment il recommandait quelqu’un, ce n’'etait pas le moment de le froisser en refusant de recevoir son prot'eg'e.
Mme Granjeard se tourna vers son fils :
— Il n’en fait jamais d’autres, l’oncle Th'eodor.
Abandonnant son fils `a son travail, Mme Granjeard se rendit dans le petit salon o`u le courtier l’attendait. C’'etait un homme d’une quarantaine d’ann'ees, sobrement v^etu, dont la figure intelligente semblait voil'ee d’un air de d'efiance perp'etuelle. Il se leva `a l’entr'ee de Mme Granjeard, s’inclina tr`es bas, puis, sur son invitation, choisit un fauteuil `a contre-jour :
— Madame, commenca le courtier, je viens vous trouver de la part de M. Th'eodor, qui m’a assur'e que vous voudriez bien 'ecouter avec indulgence les propositions commerciales que j’ai l’intention de vous soumettre.
— Mes caves sont pleines, Monsieur.
— Sans doute, ripostait le courtier, sans doute. Mais je sais que votre d'efunt mari, le regrett'e M. Granjeard, avait organis'e pour le service de ses ouvriers une sorte de magasin o`u ses hommes pouvaient acheter `a des prix d'efiant toute concurrence, les produits n'ecessaires `a leur m'enage.