La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Cependant qu’atterr'e, le Bedeau demeurait immobile au milieu de la salle, Nalorgne et P'erouzin, qui s’'etaient respectueusement approch'es du Ma^itre, lui racontaient leurs derni`eres aventures.
— Le Bedeau, disaient-ils, s’accuse d’avoir tu'e Fleur-de-Rogue et demande `a ^etre conduit en prison. Faut-il lui ob'eir ?
Fant^omas 'eclata de rire :
— Approche ici, ordonna-t-il, en fixant l’apache qui s’avanca lentement, assieds-toi, prends un verre avec nous.
— Bon, se dit le bandit, du moment que Fant^omas est aimable, c’est que cela va mal tourner. Il m’en veut s^urement. Il doit savoir que c’est moi qui ai pouss'e Fleur-de-Rogue `a tuer sa fille, ca va mal finir. C’est peut-^etre le dernier verre que je bois.
Et dans cette crainte, le Bedeau se versa une rasade de vin `a plein bord.
Fant^omas, cependant, plaisantait le Bedeau :
— Crapule, menteur, saloperie, c’est comme cela, fit-il, que pour l^acher les copains, tu n’h'esites pas `a t’accuser d’un assassinat que tu n’as pas commis ? Poseur, va, mais Fleur-de-Rogue n’en ferait qu’une bouch'ee d’un abruti de ton esp`ece. Je puis m^eme te dire une bonne chose, c’est que si ta marmite a disparu et que si elle a fait explosion, ca n’est pas `a toi qu’elle le doit.
Le Bedeau releva la t^ete.
— Fleur-de-Rogue est claqu'ee ?
— Cela ne te regarde pas, r'epondit le Ma^itre.
Soudain, `a l’id'ee que Fleur-de-Rogue 'etait morte et bien morte, que cette fois c’'etait vrai, d'efinitif, le Bedeau sentit monter `a sa gorge un sanglot, essuya une larme furtive. Mais sur l’ordre de Fant^omas, il changea aussit^ot d’attitude :
— Assez de sentiment, avait ordonn'e le Ma^itre, et maintenant 'ecoute, nous avons `a causer.
Auparavant le bandit cong'edia Nalorgne et P'erouzin, auxquels g'en'ereusement il remboursa l’argent ind^ument vers'e au Bedeau.
Il ne le donna pas de sa poche, mais simplement obligea le Bedeau `a restituer la somme qu’il avait percue, moins les vingt francs du d^iner, naturellement. Narlogne et P'erouzin s’esquiv`erent, et cependant que Nalorgne grommelait :
— Encore une sale affaire.
P'erouzin, plus optimiste, se disait :
— Bah, cela nous co^ute vingt francs, mais tout de m^eme on a fait un bon d^iner.
Dans la salle basse du cabaret, Fant^omas dictait ses instructions `a ses hommes. Ceux-ci l’'ecoutaient avec attention. Il s’agissait, cette fois, d’une affaire nouvelle comme on avait peu l’habitude d’en faire, mais d’une extr^eme importance. Il s’agissait de contrebande et d’introduction en France de marchandises espagnoles payant des droits 'elev'es `a la douane. Fant^omas s’installait commercant et c’'etait par billets de mille francs qu’il calculait.
B'eb'e, Mort-Subite 'etaient abasourdis, Bec-de-Gaz et OEil-de-Boeuf s’embrassaient de joie `a l’id'ee que sous la conduite de Fant^omas bient^ot ils seraient riches.
Le Bedeau, se faisant tout petit, ne cherchait qu’`a passer inapercu. Il s’'etait tass'e dans un coin et 'ecoutait toutes ces choses dont la conception lui semblait magnifique, mais Fant^omas l’interpella :
— Approche, le Bedeau, fit-il.
Cependant que l’apache se levait, Fant^omas conclut l’entretien avec ses amis par ces mots :
— Maintenant, que chacun se d'efile et rentre chez lui, il faut que dans trois jours, vous soyez les uns et les autres au rendez-vous que j’ai indiqu'e. Pas moyen de se tromper, n’est-ce pas ? Naturellement, allez-y chacun s'epar'ement. Il ne s’agit pas de se faire remarquer et des gueules comme les v^otres passent rarement inapercues.
Les complices de Fant^omas, l’un apr`es l’autre s’esquiv`erent, et le Bedeau tenta 'egalement de gagner la porte. Fant^omas le retint :
— H'e, l`a-bas, o`u vas-tu ?
— Je… je me d'ebine…, balbutia le Bedeau, fort embarrass'e.
Fant^omas eut un rire sinistre :
— Une seconde, nous avons un compte `a r'egler tous les deux.
— Voil`a, fit le Bedeau, en bl^emissant, ce que je craignais. Qu’est-ce que tu me veux, Fant^omas ? demanda-t-il ?
Fant^omas ne r'epondit pas encore, le Bedeau attendit respectueusement. Les deux hommes n’'etaient pas seuls dans la salle. `A c^ot'e de Fant^omas se trouvait un troisi`eme personnage que le Bedeau, malgr'e ses soucis, consid'erait avec 'etonnement.
C’'etait un homme de trente-cinq ans environ, superbement b^ati, l’air am'ericain ou anglais.
Quel pouvait bien ^etre cet homme ?
Le Bedeau n’en revenait pas de voir cet inconnu silencieux et flegmatique dans l’intimit'e de Fant^omas, et s’entretenant parfois avec lui sur un ton de famili`ere camaraderie.
Cependant, le Ma^itre ordonnait au Bedeau :
— Tu as compris ce que j’ai dit aux autres ? tu vas faire comme eux. Demain matin tu prendras le train `a la gare d’Austerlitz, tu demanderas un billet de troisi`eme pour Saint-Jean-de-Luz. En sortant de la gare, tu iras te loger `a la deuxi`eme auberge `a gauche, o`u tu resteras en attendant mes instructions. Allez, fous le camp et que je ne te revoie plus et rappelle-toi bien, que c’est seulement `a cette condition que j’oublierai peut-^etre toutes les saloperies que tu es dispos'e `a faire pour trahir tes amis.
Le Bedeau se leva, heureux d’en ^etre quitte `a si bon march'e, mais il s’arr^eta, une pens'ee lui venait `a l’esprit : il n’avait pas d’argent pour partir et il fallait bien en demander `a Fant^omas.
Le Bedeau, toutefois, h'esitait :
— Si je pleure pour du p`eze, pensa-t-il, ca va le foutre en col`ere.
N'eanmoins, il fallait bien s’y r'esigner.
— Fant^omas, balbutia le Bedeau, je cavalerai, comme tu me l’as dit, demain matin seulement, voil`a, c’est la d`eche dans mes profondes, j’ai pas de galette pour prendre le bifton.
— C’est juste, fit Fant^omas, passe `a la caisse.
Ahuri, stup'efait de voir que sa demande 'etait si facilement exauc'ee, le Bedeau, instinctivement chercha la caisse.
Dans la salle vide, il avisa une sorte de comptoir, il s’en approcha.
— Imb'ecile, o`u vas-tu ?
— Dame, r'epliqua le Bedeau, `a la caisse.
— Cr'etin, poursuivit Fant^omas, en 'eclatant de rire, triple idiot, d'ecid'ement tu as fait ton temps le Bedeau, tu deviens compl`etement g^ateux.
Puis, comme s’il prenait piti'e de l’homme qui demeurait plant'e au milieu de la pi`ece, Fant^omas d'esigna son flegmatique compagnon, puis solennellement d'eclara :
— Entends-moi bien, le Bedeau, la caisse, c’est Monsieur. Et je te recommande lorsque tu le rencontreras de ne lui parler que s’il t’adresse la parole. D'efense naturellement, de ne jamais toucher un seul cheveu de sa t^ete, d'efense aussi de lui pr^eter secours si jamais il te demande ton aide. Tu t’en souviendras ? Il s’appelle L’Amateur.
— Bien.
Il s’approcha cependant du flegmatique personnage. Celui-ci, d`es les premi`eres paroles de Fant^omas avait tir'e un portefeuille de sa poche, il extrayait d’une liasse de billets de banque, une coupure de cent francs.