La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Qui avait tu'e ? Mais quel 'etait le seul criminel, fantastiquement habile, extraordinairement rus'e, qui pouvait avoir invent'e le bain d’acide sulfurique pour an'eantir sa victime ?
Tout bas, tr`es bas, comme on murmure les choses 'epouvantables, avec une h'esitation instinctive, h'esitation que l’on met `a concevoir des hypoth`eses terrifiantes, Juve se disait :
— Il n’en existe qu’un. Et comme un tel forfait exige une pr'eparation longue, je ne peux pas h'esiter `a conclure que ce M. Borel, le myst'erieux M. Borel et Mme Borel, la femme qui vivait ici, pauvrement, croyait-on, en voyant le rez-de-chauss'ee, confortablement peut-on affirmer en visitant le premier 'etage, n’'etaient en r'ealit'e que Fant^omas et lady Beltham.
« Parbleu, parbleu, se d'eclarait Juve, descendant pr'ecipitamment vers le jardin, tout s’explique, et je puis hardiment conclure que si Fant^omas est le coupable, Mme Borel n’est vraisemblablement pas la victime. Ce n’est pas Fant^omas qui aurait tu'e lady Beltham. C’est une femme, une autre femme qui est morte ici, mais qui ? Je vais le savoir.
Parvenu au jardin de la Maison Borel, le policier gagna l’endroit o`u d'ebouchait la tuyauterie de vidange de la baignoire.
— `A coup s^ur, se disait Juve, le corps a pu ^etre enti`erement dissous par le terrible acide, mais certainement aussi, puisque la victime a 'et'e pr'ecipit'ee dans la baignoire tout habill'ee, je vais retrouver, `a l’endroit o`u les eaux s’'epandent dans le sol, des vestiges qui n’auront pas 'et'e enti`erement atteints par l’acide, qui n’auront pas 'et'e compl`etement dissous et qui seront, par exemple, des boutons de nacre, des pi`eces de monnaie, une 'epingle `a cheveux.
Juve raisonnait bien. Il n’'etait pas `a l’ouvrage, en effet, depuis une demi-heure, dans la fosse sablonneuse o`u d'ebouchait le tuyau servant `a vider la baignoire, qu’il poussait un cri de triomphe : il avait d'ej`a d'ecouvert deux petits boutons dont les armatures m'etalliques rouill'ees, rong'ees, attestaient qu’ils avaient appartenu `a la morte, et qu’ils avaient 'et'e corrod'es par l’acide. Il trouva mieux encore : une m'edaille `a demi rong'ee, en forme de coeur, qui portait une inscription :
`A Fleur-de-Rogue ma ma^itresse.
***
Dix minutes plus tard, Juve retournait `a Beylonque.
— Occupons-nous d’abord de faire rel^acher ce pauvre Bouzille, qui 'evidemment, est innocent de toutes ces aventures. L’idiot Saturnin a d^u ^etre assassin'e par Fant^omas. Bouzille libre, je t'el'ephone au procureur pour l’avertir de mes d'ecouvertes et comme cet excellent magistrat tendait `a croire ce malheureux spahi coupable, il sera bien surpris de savoir la v'erit'e.
Juve e^ut 'et'e lui-m^eme fort 'etonn'e s’il avait appris que le jour m^eme, M. Anselme Roche avait rendu visite `a Mme Borel.
`A peine l’excellent policier arrivait-il `a l’Auberge des 'Ecarteurs que le patron lui tendait un t'el'egramme. Et ce t'el'egramme comportait un texte si surprenant que Juve le lut, les yeux 'ecarquill'es.
9 – DU VAUDEVILLE AU DRAME
Qu’'etait-il advenu de la fille de Fant^omas ?
H'el`ene, quelques jours auparavant, `a la suite de la myst'erieuse agression dont elle avait 'et'e l’objet, s’'etait vue conduire `a l’Imp'erial H^otel `a Biarritz par deux hommes 'etranges qui, s’ils l’avaient enlev'ee de force et conduite l`a malgr'e elle, du moins ne s’'etaient pas d'epartis vis-`a-vis d’elle de l’attitude la plus correcte et la plus respectueuse.
La jeune fille avait 'et'e install'ee dans un luxueux appartement du deuxi`eme 'etage de l’Imp'erial H^otel et entour'ee de soins si minutieux, trait'ee avec une telle sollicitude qu’au lieu de se plaindre et de faire un tapage excessif pour attirer sur elle l’attention et obtenir co^ute que co^ute non seulement sa lib'eration, mais l’explication du myst`ere, elle avait brusquement d'ecid'e de ne pas bouger en attendant la suite.
H'el`ene, en effet, avait acquis au cours de ses nombreuses aventur'es assez de flegme et de perspicacit'e pour se rendre compte qu’elle ne pouvait ^etre l’objet d’un enl`evement banal, d’une s'equestration ordinaire.
— S^urement, se disait la jeune fille, si je suis ici, je le dois `a des amis sinc`eres qui, pour des raisons que j’ignore, n’ont pas pu encore me r'ev'eler le secret de leur attitude `a mon 'egard.
H'el`ene, avec une sage prudence, s’abstenait du moindre commentaire, m^eme de la plus petite question. Elle avait pour son service particulier une petite Basque `a l’air d'ecid'e et fin qui, connaissance faite, n’aurait pas mieux demand'e que de lier conversation avec son 'enigmatique patronne. `A deux ou trois reprises la curieuse cam'eriste s’'etait efforc'ee de faire parler H'el`ene, mais celle-ci se renfermait dans le mutisme le plus absolu et ne r'epondait que par monosyllabes.
Celle-ci voyant qu’on ne voulait rien lui dire, avait 'et'e assez fine pour ne pas insister et hormis les paroles indispensables concernant son service, H'el`ene n’'echangeait pas avec la domestique plus de dix mots par jour. Par le fen^etre de l’Imp'erial H^otel, H'el`ene avait remarqu'e un mouvement inaccoutum'e, d'etermin'e dans le grand palace par l’arriv'ee d’une luxueuse troupe de gens tr`es bruns et tr`es distingu'es. Puis, le soir venu, la jeune fille n’avait plus pens'e `a ces nouveaux voyageurs et elle s’'etait plong'ee dans la lecture d’un roman qui semblait vivement l’int'eresser. Elle exp'edia en h^ate un frugal repas, renvoya la domestique qui s’offrait `a la d'eshabiller, assurant qu’elle n’avait besoin de personne et qu’elle ne se coucherait pas de si t^ot ce soir-l`a. La petite Basque, suivant son habitude, n’avait pas insist'e. Elle s’'etait mise `a ricaner en faisant une physionomie si dr^ole, si bizarre, qu’H'el`ene qui cependant ne pr^etait gu`ere attention `a cette servante, n’avait pu s’emp^echer de remarquer son attitude :
— Qu’a-t-elle donc aujourd’hui ? pensa-t-elle.
Et la jeune fille faillit interroger la domestique, mais elle y renonca.
H'el`ene 'etait donc rest'ee seule et, s’'etendant voluptueusement sur une confortable berg`ere, avait repris sa lecture.
Mais soudain la jeune fille bondit hors de son si`ege. Par une porte dissimul'ee dans la moulure de la cloison et qui jusqu’alors n’avait jamais 'et'e ouverte, quelqu’un venait de s’introduire qui souriait b'eatement en regardant la jeune fille. C’'etait un homme tout jeune, de vingt-cinq `a trente ans au plus, v^etu `a la derni`ere mode et avec une extr^eme recherche, brun, le visage 'energique, la moustache conqu'erante, le menton bleu. L’inconnu cependant s’approchait avec une aisance parfaite.
— Madame, dit-il.
— Monsieur…
L’Espagnol, enfin, s’enhardit :
— Je vous suis reconnaissant, Madame, fit-il, bien reconnaissant d’avoir accept'e de venir, d’avoir risqu'e tant de choses et d’avoir si longtemps attendu que nous puissions nous rencontrer. Je m’excuse vivement de n’^etre pas arriv'e depuis deux jours, comme je le d'esirais, mais des affaires de la plus haute importance m’ont retenu `a Madrid, aupr`es de qui vous savez.
— Veuillez continuer, je vous prie.
— Je ne vous ai vue qu’une fois mais, `a dater de ce jour, mon coeur a 'et'e conquis. Il m’a suffi de vous rencontrer, de vous apercevoir, ce fameux soir o`u vous vous promeniez sur la grand-route, tout pr`es du ch^ateau de Garros pour m’'eprendre de vous. Ah, que vous ^etes belle, Madame. Dix fois, cent fois plus que je ne l’avais cru. Je m’attendais, ce soir, `a trouver ici une jolie femme, c’est une beaut'e divine qui se r'ev`ele.
— Ah c`a, Monsieur, mais que pr'etendez-vous faire ? que voulez-vous de moi ?