La disparition de Fandor (Исчезновение Фандора)
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Au fur et `a mesure qu’il pensait ainsi, le spahi sentait sa col`ere s’exasp'erer.
— O`u est-il donc cet homme, que je le tue ? hurla-t-il.
`A cet instant quelqu’un sortit de la pi`ece, brusquement :
— C’est lui, grogna le spahi.
Et, braquant son arme sur la personne qui surgissait soudain, il fit feu.
Un cri d'echirant retentit. Un corps tomba par terre. Une femme, baign'ee dans son sang.
— Mal'ediction ! hurla le spahi.
Il se pr'ecipita aupr`es de sa victime par erreur.
H'el`ene, car c’'etait elle, s’'etait relev'ee, cependant. Elle avait 'et'e touch'ee l'eg`erement `a l’'epaule, son bras saignait abondamment, mais elle n’'etait pas gri`evement bless'ee.
Cependant, au bruit de la d'etonation, des domestiques, des gens 'etaient accourus, les portes s’ouvraient de tous c^ot'es. En l’espace d’une seconde le couloir se remplissait de gens de l’h^otel, de voyageurs, d’Espagnols appartenant `a la suite de l’infant. Seul, ce dernier demeurait invisible.
Tout d’abord on s’'etait lanc'e au secours d’H'el`ene qui titubait, d'efaillante, affaiblie aussi par la blessure de son 'epaule.
En l’espace d’une seconde on l’emporta au rez-de-chauss'ee. M. Hoch accourut, mais le g'erant de l’h^otel qui voulait avant tout 'eviter le moindre scandale, fit avancer une automobile, deux hommes y mont`erent avec la jeune fille, la voiture s’'eloigna rapidement, on avait dit au m'ecanicien :
— `A l’h^opital, et `a toute vitesse.
Le d'esordre s’accroissait malgr'e les efforts de M. Hoch qui disait `a tous ceux qui l’interrogeaient :
— Ce n’est rien, absolument rien, un l'eger accident, sans la moindre importance.
Cependant le spahi n’avait pas boug'e du couloir, il demeurait `a genoux sur le tapis, la t^ete pench'ee sur le sol, les yeux contemplant fixement l’endroit o`u 'etait tomb'ee sa victime inconnue, o`u il ne restait plus qu’une large tache de sang.
Les choses s’'etaient pass'ees si vite que si Martial Altar`es n’avait eu ce sinistre t'emoignage pour raviver son souvenir, il aurait cru que tout cela n’'etait qu’un r^eve, un cauchemar et que rien n’'etait arriv'e.
Cependant, deux hommes s’approchant du militaire l’oblig`erent `a se relever. Ils avaient des mines 'energiques et farouches, ils 'etaient v^etus simplement de complets fonc'es :
— C’est vous, n’est-ce pas ? interrogea l’un d’eux.
— Vous ne niez pas ? demanda l’autre.
— J’avoue, murmura l’infortun'e Martial.
Les deux hommes se firent un signe, Martial sentit sur ses poignets quelque chose de froid. Tout son ^etre tressaillit :
— Les menottes, se dit-il.
Martial Altar`es venait d’^etre arr^et'e.
10 – UN CHANTAGE
Imm'ediatement apr`es l’attentat dont elle avait 'et'e victime, H'el`ene avait 'et'e conduite `a l’h^opital de Biarritz o`u on l’avait admise d’urgence. La jeune fille 'etait install'ee dans une petite salle `a part qui, pr'ecis'ement, se trouvait disponible, et apr`es avoir recu les pansements que n'ecessitait sa blessure, elle s’endormit paisiblement, sans souffrance, sans fi`evre, dans le petit lit blanc. Le lendemain matin, apr`es une nuit paisible, elle 'etait si repos'ee, elle avait une mine si excellente que l’interne de service qui vint la voir en demeura stup'efait.
C’'etait un gros garcon r'ejoui, un Toulousain de Toulouse, que cet interne. Il s’appelait Carnabesse. Certes, il n’'etait pas la distinction m^eme, et il avait plut^ot l’allure d’un rustique infirmier que d’un futur ma^itre de la science m'edicale, mais il 'etait n'eanmoins un excellent homme, ador'e du personnel, ayant sans cesse le mot pour rire, et distrayant toujours ses malades, les 'etourdissant presque par ses perp'etuels bavardages.
Sans faire de facon, il s’installa au pied du lit d’H'el`ene et causa avec elle. Na"ivement, il ne dissimulait pas son 'etonnement de la voir en si parfaite sant'e.
— Est-ce possible, Mademoiselle, s’'ecria-t-il, que vous soyez d'ej`a r'etablie ? ma parole, vous avez une veine extraordinaire. Recevoir un coup de revolver `a bout portant le soir, et le lendemain il n’y para^it plus.
— C’est vrai, murmura H'el`ene en souriant aimablement, j’ai de la veine, pour une fois.
— Dans deux jours, poursuivit l’interne, vous serez sur pied et vous pourrez nous quitter. Ma foi, ce sera dommage, parce que ma petite, vous ^etes une jolie fille et j’aime `a croire qu’on ne doit pas s’emb^eter avec vous.
Cette soudaine familiarit'e 'etonna un peu H'el`ene, qui, cependant, n’en laissait rien para^itre. Elle avait esquiss'e une l'eg`ere moue lorsque l’interne lui avait dit qu’il lui faudrait encore quarante-huit heures de s'ejour `a l’h^opital et elle allait discuter cette question, car elle se sentait en parfaite sant'e, mais Carnabesse ne lui en laissa pas le temps.
— Dites donc, fit-il, racontez-moi donc un peu votre aventure d’hier soir. Certes, on m’a d'ej`a mis au courant, mais enfin, c’est amusant comme tout de savoir et puisque, finalement, vous n’^etes pas gravement bless'ee, donnez-moi donc quelques d'etails.
— Cela vous int'eresse ?
— Mais oui. Oh, poursuivit l’excellent Carnabesse, vous pensez bien que nous avons l’habitude de ces sortes d’histoires, moi surtout… J’ai fait mes 'etudes `a Toulouse, qui est, comme vous le savez, la capitale du Midi, puis, je suis venu travailler particuli`erement la gyn'ecologie `a Bordeaux qui est, comme vous savez, une autre capitale d’un autre Midi, et enfin je me suis arrang'e pour venir passer les six mois de la saison `a Biarritz. Quand on est malin, on se d'ebrouille. Tout cela pour vous dire d’ailleurs, que dans des villes comme celles-l`a on ne s’emb^ete pas, parce qu’il y a de quoi faire la noce et rigoler avec les petites poules comme vous.
— Ah, vraiment ?
— Naturellement ! Partout o`u il y a de la femme, cela fait du grabuge, surtout dans le Midi o`u on a la t^ete pr`es du bonnet. Heureusement que la plupart du temps ces batailles ne sont pas graves, et qu’une bonne nuit d’amour arrange tout ca. Alors, c’est votre amant, ce spahi ?
— Oh, mon amant, fit H'el`ene qui esquissait un geste de protestation.
— Oui, je sais qu’on nie toujours ces choses-l`a. `A votre aise. D’ailleurs, ca ne me regarde pas. En tout cas, le gaillard est en prison maintenant, et avec une sale affaire sur les bras.