Le mariage de Fant?mas (Свадьба Фантомаса)
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— Prisonnier, d'eclara le jeune religieux, vous ^etes accus'e de sorcellerie, de sacril`ege et de tentative d’assassinat contre la personne royale de don Eugenio, le crime a 'et'e commis dans l’Escurial, par cons'equent vous serez jug'e par la juridiction sp'eciale de l’Escurial.
Et comme Fandor, inquiet `a ces paroles, demandait des d'etails, le fr`ere convers reprenait :
— Oui, prisonnier, il y a une juridiction sp'eciale pour l’Escurial, vous n’ignorez sans doute pas qu’un ordre religieux veille sur la chapelle du palais. Ce sont les pr^etres attach'es `a cette chapelle qui poss`edent le pouvoir de juridiction pour tous les crimes commis `a l’int'erieur de l’enceinte, donc vous serez jug'e par eux.
— Par eux ? Hum, cela ne me pla^it gu`ere. Et quelle peine peuvent-ils prononcer ?
— Une seule peine. Ou ils d'eclarent devant Dieu et devant les hommes que les accus'es sont innocents et ceux-ci sont renvoy'es en libert'e, ou au contraire ils les reconnaissent coupables et dans ce cas, ils les condamnent `a mort.
— Toujours ?
— Toujours. Naturellement. C’est la loi.
— Eh bien c’est gai, me voil`a dans les pattes de religieux qui m’ont tout l’air d’avoir gard'e les traditions sanglantes des tribunaux de l’Inquisition. Ou ils innocentent les accus'es, ou ils leur font couper la t^ete. Non, mieux que cela, en Espagne, c’est le supplice du garrot. Ma foi, je suis fichu. Nul ne sait que je suis prisonnier. Sauf Fant^omas et peut-^etre la Recuerda, par cons'equent nul ne s’occupera de moi. Ah, nom d’un chien !
La situation de Fandor 'etait terrible en effet. L’Espagne, pieusement, respecte encore des coutumes qui paraissent monstrueuses ailleurs. Fandor, se souvenait parfaitement avoir lu quelque part, qu’il existait en effet `a l’Escurial une jurisprudence sp'eciale et il fr'emissait en songeant qu’il 'etait aux mains des farouches religieux.
— Ces sacr'es Espagnols, songeait Fandor, vous ont encore des ^ames du treizi`eme si`ecle. Ah, je suis frais.
Que pouvait-il faire, d’ailleurs ? Rien. J'er^ome Fandor avait la terrible impression d’^etre enseveli vivant. L’Escurial gigantesque, 'enorme, pesait sur lui de tout son poids.
— Je suis perdu, je suis enterr'e dans cette machine-l`a. Tout de m^eme, je rousp'eterai tant que je pourrai et il faudra bien que les juges m’entendent.
Mais, tr`es vite, Fandor devait perdre tout espoir. Les jours se tra^inaient, en effet, sans apporter aucun changement `a sa situation. Il recevait r'eguli`erement, `a minuit, la visite d’un moine qui l’invitait au repentir et `a la confession, mais qui se refusait `a l’entretenir de son proc`es. `A six heures du matin, on venait le chercher pour assister `a un office religieux. Mais comme le premier jour il avait profit'e de la circonstance pour hurler en pleine chapelle qu’il 'etait innocent, on prenait depuis lors la pr'ecaution de le b^aillonner avant de le mener `a l’'eglise. Et Fandor, petit `a petit, se faisait `a cette id'ee :
— Je suis fichu. Absolument fichu, je serai condamn'e, sans m^eme pouvoir me d'efendre.
Fandor, pourtant, avait un vague espoir. Un jour il avait 'et'e interrog'e par le religieux parlant francais auquel il avait cri'e son innocence. Avait-il 'emu cet homme, convaincu qu’il causait avec un personnage satanique ? C’'etait douteux. Toutefois J'er^ome Fandor l’avait suppli'e de pr'evenir l’ambassadeur de France de sa captivit'e, avait menac'e m^eme le moine de repr'esailles internationales si satisfaction ne lui 'etait pas donn'ee. Avait-il effray'e le religieux ?
En tout cas, aucun changement n’'etait survenu et c’'etait un jour tout comme les autres qui commencait, croyait-il, tandis qu’il r'epondait brutalement au moine qui, apr`es l’avoir ramen'e de la chapelle, l’exhortait encore au repentir.
Fandor, le religieux parti, s’'etait rejet'e sur sa couche.
— Enfin, murmurait-il, j’imagine maintenant que je n’en ai plus pour longtemps avant de passer au tribunal.
Il ne croyait pas si bien dire.
Comme il se rendormait, en effet, d’un sommeil fi'evreux et agit'e, la porte de sa cellule s’ouvrit brusquement. Trois moines entr`erent, v^etus de noir, l’air sinistre et portant trois cierges allum'es.
— Condamn'e, dit lentement l’un d’eux, cependant que Fandor, stup'efait par l’arriv'ee de cette procession, 'ecarquillait les yeux, condamn'e, repentez-vous, vous n’avez plus que huit jours pour cela.
— Huit jours ! cria Fandor. Mais, nom de Dieu, parlez donc clairement, qu’est-ce qu’il y a encore ?
Les trois moines se sign`erent en entendant le terrible blasph`eme, et celui qui paraissait ^etre leur chef reprit la parole :
— Condamn'e, d'eclara-t-il, le Tribunal de l’Escurial vous a jug'e cette nuit, vous avez 'et'e reconnu coupable, vous p'erirez par le garrot dans huit jours.
Mais pour parler ainsi tout tranquillement, pour annoncer semblable chose avec une telle s'er'enit'e, le religieux, 'evidemment, ne connaissait point le caract`ere imp'etueux de J'er^ome Fandor.
Le journaliste, en effet, avait bondi hors de son lit : les poings ferm'es, la voix tremblante de col`ere, 'evidemment tout dispos'e `a 'etrangler l’un de ses visiteurs, J'er^ome Fandor hurlait :
— Bon sang, mais ce n’est pas possible, tout de m^eme, qu’est-ce que vous me chantez l`a ? Le tribunal s’est r'euni. O`u ? Quand ? On m’a condamn'e sans m’entendre ? Mais c’est un assassinat que vous allez commettre, sacr'e mille noms d’un tonnerre, on ne tue pas un homme comme cela !
Les trois moines n’avaient pas bronch'e.
— Repentez-vous, mon fr`ere, recommencait le plus vieux des religieux, repentez-vous, et que l’esprit de Satan qui vous poss`ede se retire de vous.
Les autres moines, en m^eme temps, disaient :
— Que Dieu lui fasse mis'ericorde.
Que pouvait tenter J'er^ome Fandor ?
— J’en massacrerai bien un ou deux, se disait-il en lui-m^eme, mais cela ne m’avancerait `a rien. Ah bon sang de bon sang !
Il marchait `a grands pas dans sa cellule, le coeur battant `a l’'etouffer, 'epouvant'e `a l’id'ee du supplice auquel on venait de le condamner si bizarrement.
Les trois moines s’'etaient retir'es, J'er^ome Fandor demeurait seul.
Alors, un affreux d'esespoir s’empara du jeune homme. Il imagina pendant quelques instants les plans d’'evasion les plus fous, les tentatives les plus audacieuses. Mais, h'elas, il ne lui servait de rien de r^ever `a l’impossible. Les murs du cachot o`u il 'etait prisonnier 'etaient in'ebranlables, in'ebranlable 'etait la porte, et J'er^ome Fandor ne pouvait rien, rigoureusement rien pour retarder, f^ut-ce d’une seconde, l’accomplissement de son destin.
— Eh bien, je p'erirai par le garrot, finit-il par d'ecider en lui-m^eme, je p'erirai bravement puisqu’il le faut, et, ma foi, Juve me vengera.
Mais, au moment m^eme o`u J'er^ome Fandor se r'esignait, comme il y 'etait bien oblig'e, `a regarder en face la destin'ee, les serrures de sa cellule grincaient. La porte s’ouvrit et J'er^ome Fandor poussait un cri de joie :
— Vous, patron ? ah ! par exemple !
En m^eme temps un homme corpulent, un Francais assur'ement, s’'elancait dans la cellule, courait `a J'er^ome Fandor, cependant que deux gardes civils qui accompagnaient ce visiteur croisaient la ba"ionnette `a la porte du cachot.