Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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— 'Evidemment ! fit Havard. Au surplus, je ne vois pas qui aurait pu la tuer. `A moins que ce ne soit son amant L'eon Drapier ? Au fait, pourquoi pas ?… Juve, vous commencez `a m’'ebranler !
Mais, d`es lors, Juve rassurait son chef.
— Non, non ! fit-il pr'ecipitamment, je vous en prie, ne vous embarquez point sur la piste de L'eon Drapier. Cet homme-l`a n’est 'evidemment pour rien dans l’assassinat, je veux dire dans le suicide de sa ma^itresse !
— Ah ! vous voyez, fit Havard satisfait, vous y venez, au suicide !
— C’est entendu, fit Juve d’un air 'evasif, j’y viens, au suicide !
Juve, toutefois, ne pouvait s’emp^echer `a ce moment de regarder avec insistance du c^ot'e de la fen^etre.
Il demanda `a M. Havard :
— Cette fen^etre 'etait-elle ferm'ee comme elle l’est actuellement, quand vous ^etes arriv'e ?
— Ma foi non ! fit Havard. Elle 'etait entreb^aill'ee, mais je l’ai pouss'ee, parce qu’il faisait assez froid dans cette pi`ece.
— Ah ! dit simplement Juve.
Le policier n’insistait pas, mais son regard percant avait d'ecouvert sur le petit balcon de la fen^etre, qui venait pr'ecis'ement d’^etre repeint, des 'ecorchures tr`es fra^iches et tr`es nettes comme pouvait en faire la chaussure d’un homme posant le pied sur la barre d’appui du balcon.
Juve jeta un coup d’oeil `a travers les carreaux.
— Si l’on saute par cette fen^etre, o`u va-t-on ? demanda-t-il.
Et il constata que, sans danger, on pouvait sauter sur un petit toit voisin.
— Parfait ! se dit le policier, qui rentra dans la pi`ece.
Havard se disposait `a le quitter.
— Nous allons, pour le principe, faire mettre les scell'es, dit-il, mais je crois bien que l’affaire n’aura pas de suite.
— Esp'erons-le ! fit Juve.
Le policier, toutefois, songeait `a part lui :
— Cette affaire est beaucoup plus myst'erieuse qu’elle n’en a l’air et il s’agit d’op'erer avec prudence et subtilit'e. Jusqu’`a pr'esent, dans les enqu^etes, c’est Juve, Juve lui-m^eme qui s’est montr'e. Dor'enavant, Juve va dispara^itre, et celui qu’on verra seulement agir, c’est…
Le policier n’achevait pas.
VIII
Un sauveteur
— Caroline !
— Monsieur ?
— O`u est madame ?
— Elle est au salon, monsieur.
— Seule ?
— Non pas, monsieur. Monsieur sait bien que madame est encore avec les journalistes !…
L'eon Drapier leva les bras au ciel.
— C’est v'eritablement insupportable ! On n’en finira donc jamais de toutes ces interviews qui ressemblent `a des interrogatoires !
La vieille cuisini`ere insinua :
— Je serais `a la place de monsieur que je n’h'esiterais pas `a prendre le balai et `a fourrer tous ces gens-l`a `a la porte. C’est pas Dieu possible d’emb^eter le monde comme ils le font les uns et les autres !
L'eon Drapier haussa les 'epaules. Il se mit `a se promener de long en large dans le petit salon, o`u depuis quelques jours il s’'etait install'e au lieu de continuer `a vivre dans son cabinet de travail.
— Un de parti, dix de revenus ! grommelait-il en songeant aux journalistes. Et nous serions encore plus harcel'es si je n’avais pris la d'ecision de dispara^itre chaque fois qu’il s’en pr'esente un et d’envoyer ma femme leur r'epondre `a ma place !
Depuis le myst'erieux assassinat de son valet de chambre, M. L'eon Drapier 'etait, en effet, assailli par tous les reporters de Paris.
`A la Monnaie, on ne venait pas l’y chercher, car il 'etait impossible de parvenir jusqu’`a son bureau sans ^etre muni d’une autorisation sp'eciale ; mais il n’en 'etait pas de m^eme `a son domicile, et L'eon Drapier ne pouvait rentrer sans trouver devant sa porte, `a l’int'erieur de l’ascenseur, dans l’escalier, voire m^eme dans la galerie de son propre appartement, des jeunes gens aux allures obs'equieuses et affair'ees qui, apr`es l’avoir h^ativement salu'e, sortaient un carnet de leur poche et se pr'eparaient `a prendre des notes.
Au lendemain du crime, L'eon Drapier avait 'econduit tous les reporters ; mais il s’'etait rendu compte de l’inconv'enient qu’il y avait `a ne pas compter avec la presse.
Les journaux, en effet, avaient 'et'e unanimes pour le traiter durement, pour l’incriminer, avec des sous-entendus redoutables, d’une complicit'e quelconque dans le myst'erieux drame qui avait eu lieu chez lui.
L'eon Drapier avait alors d'ecid'e de changer d’attitude et il le faisait avec d’autant plus d’empressement que certains journalistes avaient 'et'e jusqu’`a sugg'erer qu’apr`es ce scandale il ferait bien de donner sa d'emission de directeur de la Monnaie !
Drapier, toutefois, s’'etait heurt'e `a une difficult'e. La justice, d'esormais, 'etait saisie de l’affaire, et il devenait incorrect de sa part de parler aux journalistes sans froisser le Parquet.
Comment fallait-il faire pour 'eviter de se mettre `a dos les uns comme les autres ?
Drapier avait alors trouv'e ce moyen qui consistait `a faire recevoir les journalistes par sa femme qui r'epondait le plus aimablement possible `a toutes les questions qui n’avaient pas trait directement `a l’affaire !
Tandis que L'eon Drapier s’impatientait de ce que M me Drapier n’ait point fini avec les journalistes, et qu’il ne tenait point compte du conseil de Caroline qui aurait voulu mettre `a la porte tous ces gens-l`a, Eug'enie Drapier 'etait en conf'erence dans la salle `a manger avec un reporter du nom de Mirat, attach'e au journal La Capitale.
— Mon Dieu ! monsieur, prof'erait M me Drapier, vous avez des id'ees v'eritablement bien extraordinaires ! Et si vous n’'etiez recommand'e par un coll`egue de mon mari au minist`ere des Finances, je crois que je vous demanderais si vous ne vous moquez pas de moi !
Le journaliste protestait :
— Qu’a-t-elle donc de si extraordinaire ma question, madame ? articulait-il. Je vous demande quels sont les cigares pr'ef'er'es de M. Drapier. Il me semble que c’est l`a une information excessivement int'eressante pour nos lecteurs et qui, au surplus, loin de nuire `a la r'eputation de votre mari, ne peut que lui ^etre favorable !
— Je ne vois pas en quoi, monsieur ! r'epondit na"ivement M me Drapier.