Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Et traversant l’atelier de la frappe, il entra chez les rogneurs.
Il y entra tout juste pour apercevoir le contrema^itre, un homme s'erieux, pos'e, duquel, dans l’administration on faisait le plus grand cas, qui s’entretenait avec un monsieur en civil que, du premier coup d’oeil, M. Davout reconnut ^etre le visiteur qu’il venait d’expulser de l’atelier de la frappe.
M. Davout n’avanca pas, se tint coi et pr^eta l’oreille.
— Mais, monsieur, protestait `a ce moment le contrema^itre, l’atelier n’est pas public, que diable !… Comment se fait-il que vous soyez l`a ? D’o`u venez-vous ?
Le contrema^itre ne paraissait pas content, il interrogeait d’un ton un peu nerveux. M. Davout s’abstint encore plus soigneusement de para^itre.
L’'etranger s’excusait d’ailleurs avec une parfaite bonne gr^ace.
— Oh, pardonnez-moi, faisait-il, d'ecid'ement, je ne commets que des erreurs. Pr'ecis'ement, je viens de l’atelier de la frappe, d’o`u l’on m’a 'egalement pri'e de me retirer. J’attends M. le directeur, je voulais regagner son antichambre, c’est en me trompant de chemin que je suis entr'e ici. C’est par ici, n’est-ce pas, qu’il faut passer ?
L’'etranger faisait trois pas en avant, poussait une porte, mais s’arr^etait net, poursuivi par les exclamations furieuses du contrema^itre.
— Mais, ce n’est pas par l`a, monsieur ! criait en effet l’ouvrier. Vous vous trompez absolument de chemin. Vous entrez maintenant aux r'eserves d’or…
L’homme tourna sur lui-m^eme et revint sur ses pas en riant.
— Allons ! faisait-il d’un ton bonhomme, il est dit que j’entrerai partout, ici !
Et, apercevant cette fois M. Davout qui le surveillait de loin, il s’excusait encore :
— Je ne peux pas retrouver mon chemin, figurez-vous.
— Je vais vous conduire, r'epliqua M. Davout.
L’inspecteur g'en'eral, tr`es froid, tr`es net, ouvrit imm'ediatement une porte et fit passer devant lui l’extraordinaire visiteur.
— Venez, disait-il. Vous voyez que c’est excessivement simple. Vous ^etes ici dans l’antichambre m^eme de M. le directeur. L’huissier va revenir dans un instant, il vous introduira, vous n’avez qu’`a vous asseoir ici en l’attendant et `a rester bien tranquille.
— Merci, monsieur.
Le visiteur avait l’air de comprendre qu’on lui donnait ces conseils un peu `a la facon dont on formule un ton imp'eratif. Il r'epondait d’un ton sec, vex'e lui-m^eme sans doute. M. Davout n’insista pas, salua et se retira.
Une seconde plus tard, d’ailleurs, l’huissier r'eapparaissait dans la pi`ece. Il levait les bras au ciel en apercevant le visiteur, il remarquait famili`erement :
— Ah, bien, qu’est-ce que vous 'etiez donc devenu ? Justement, je vous cherchais dans la galerie. Monsieur le directeur vous attend.
Le serviteur ouvrait une porte rembourr'ee, conduisait jusqu’`a l’entr'ee d’un grand cabinet de travail le f^acheux curieux.
— Monsieur Mix ! annoncait-il d’une voix de stentor.
Et c’'etait en effet Mix, le policier qui avait offert ses services `a L'eon Drapier, qui venait voir le directeur de la Monnaie.
Celui-ci cependant s’'etait lev'e et accourait au-devant de son visiteur.
L'eon Drapier 'etait tr`es p^ale. Il avait la mine d’un homme qui, depuis quelques jours, se fait effroyablement du mauvais sang et balance entre les partis les plus d'esesp'er'es.
— Ah ! je suis heureux de vous voir ! disait-il en serrant les mains de Mix. Je commencais `a me demander si vous aviez oubli'e ce rendez-vous et si vous n’alliez pas venir…
Mix devait 'evidemment trouver la supposition plaisante, car, en 'ecoutant L'eon Drapier, un sourire passait sur sa physionomie.
— Allons donc ! faisait-il, je viens toujours aux rendez-vous que je donne et je suis l’exactitude en personne.
En parlant, il se d'ebarrassait de son chapeau, de sa canne, il s’asseyait, prenait ses aises, se carrant dans un fauteuil.
— Par exemple, remarquait-il, j’avoue que je viens d’'echouer lamentablement.
— 'Echouer !… en quoi ? fit L'eon Drapier, tressaillant. Vous pensiez avoir une piste ?
— Non, confessa Mix. Mais je pensais pouvoir en chercher une. J’ai essay'e de me faufiler dans vos ateliers, j’ai 'et'e repouss'e partout.
Ce fut au tour de L'eon Drapier d’avoir un sourire ironique.
— Cela ne m’'etonne pas, protestait le directeur de la Monnaie. La consigne est s'ev`erement ex'ecut'ee ici, et les 'etrangers n’ont aucune chance de pouvoir p'en'etrer dans les ateliers.
Mais cette d'eclaration paraissait ennuyer Mix.
— Diable ! faisait-il, c’est qu’il serait du plus haut int'er^et que je puisse aller et venir sans 'eveiller les soupcons.
— Pourquoi donc ?
— Pour savoir, d’abord, ce que vos ouvriers disent, et ensuite pour enqu^eter !
En 'ecoutant le policier, L'eon Drapier p^alissait de plus en plus.
— Ah, l’abominable affaire ! murmurait-il. Combien je suis inquiet d'esormais…
Puis il se penchait vers M. Mix, et du ton dont on fait les confidences, il avouait avec peine :
— Vous voulez savoir ce que mes ouvriers disent ? Eh ! parbleu, je m’en suis assur'e moi-m^eme. Une chose abominable… Naturellement, ils se r'ejouissent de l’embarras o`u je me trouve ; ils estiment l’aventure tr`es dr^ole et jugent cela plaisant !
Et comme si cette supposition lui e^ut paru particuli`erement douloureuse, L'eon Drapier ass'enait un violent coup de poing `a sa table de travail.
— Je vous dis que j’en deviendrai fou…
M. Mix, cependant, `a ce mouvement de col`ere se contentait d’'eclater de rire.
— Mais non, mais non, protestait-il d’un ton bonhomme… Ne dites point de choses semblables !… Il ne faut pas vous frapper, que diable ! Vous verrez que je vous sortirai de toutes ces aventures.
Et comme L'eon Drapier se taisait, M. Mix poursuivait :
— Vous avez confiance en moi, n’est-ce pas ?
— Dites que je n’ai plus confiance qu’en vous… articula le directeur de la Monnaie.
M. Mix reprit :
— Eh bien, votre confiance n’est pas mal plac'ee ! 'Evidemment, je ne peux pas vous dire tout ce que je pense, mais enfin… enfin…