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ЖАНРЫ

Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Fichtre, pour aller o`u ca ?

— Pour courir apr`es Baraban.

Fandor m^achonnait une cigarette. Il tapa du pied en soufflant rageusement une bouff'ee de fum'ee.

— Dieu, que vous ^etes assommant Juve ! Puisqu’on vous dit qu’il est mort !

— Puisque je te dis qu’il est avec une femme en train de faire la bombe.

— Et alors Juve, vous l’avez rencontr'e, Baraban ?

— Non, avoua le policier en passant son pantalon. Pas de nouveau, mais j’en aurai peut-^etre ce soir.

— O`u allez-vous donc ?

— Au Palais de Justice. Je suis m^eme en retard. On va confronter le jeune Th'eodore et Brigitte. Peut-^etre saura-t-on quelque chose.

— Oui, ce sera peut-^etre int'eressant.

Puis, apr`es avoir allum'e une autre cigarette et tendu son 'etui `a Juve, Fandor ajouta :

— S'erieusement, ce matin, vous n’avez rien appris ?

— Peu de chose. Un indicateur est venu dire `a Havard que Baraban faisait souvent la noce `a Montmartre.

Juve disait cela d’un petit ton tranquille, mais, en m^eme temps ses yeux p'etillaient.

Fandor, pour toute r'eponse, commenca par faire la moue :

— Et alors ? interrogeait-il.

Juve d’abord, ne r'epondait pas. Il 'etait occup'e `a fixer son bouton de faux col qui se refusait `a entrer dans la boutonni`ere :

— Maudit bouton, grommela le policier. Ah ca, tu ne pourrais pas m’aider, Fandor ?

Fandor se leva, aida Juve, puis questionna :

— Naturellement, monsieur Juve estime que la fugue est d’autant plus probable que Baraban allait `a Montmartre ?

— Naturellement.

Fandor alors portait les deux mains `a son front :

— Bon Dieu, d'eclara-t-il, ce que vous ^etes obstin'e ! Vrai, votre t^ete, c’est encore pire que le cr^ane d’un Breton, on pourrait s’en servir pour casser les cailloux.

Juve cependant sifflotait en brossant son chapeau.

— Rira bien qui rira le dernier, dit-il simplement.

Et, s’interrompant pour jeter un coup d’oeil `a sa montre :

— Sapristi, je vais ^etre en retard ! Aide-moi donc, au lieu de fl^aner.

Fandor connaissait assez les habitudes de Juve pour n’avoir pas besoin d’autres indications.

Quelques secondes plus tard, il avait aid'e le policier `a finir de s’appr^eter, c’est-`a-dire lui avait jet'e `a la vol'ee un mouchoir propre, son porte-monnaie, ses gants, ses cl'es.

— L`a, d'eclara-t-il, foutez le camp ! Juve, vous ^etes beau comme un astre.

Juve se d'ep^echait, d'egringolait l’escalier devant Fandor :

— Tu viens avec moi au Palais ?

— Non. Pas maintenant.

De surprise, Juve s’arr^eta :

— Ah ca, tu as une id'ee derri`ere la t^ete alors ? Si tu ne viens pas, c’est que tu penses `a une d'emarche.

— Non, riposta Fandor, c’est tout simplement que je me sens l’^ame po'etique et je vais aller aux Tuileries 'ecouter la musique et donner du pain aux moineaux.

Les deux hommes 'etaient `a ce moment au coin de la rue Tardieu. Ils 'echang`erent une poign'ee de main.

— Eh bien, t^ache de tuer les moineaux. Bonne chasse ! cria Juve en appelant un fiacre.

— Et vous, bonne confrontation, dit Fandor.

Puis, le journaliste regardant Juve partir, haussa les 'epaules en 'eclatant de rire :

« Et voil`a, pensait-il en lui-m^eme, on est le plus grand policier du monde, le premier inspecteur de la S^uret'e francaise et on se laisse barboter ses propres pi`eces d’identit'e par un ami.

Fandor, sur ces paroles 'enigmatiques, appela un fiacre :

— Rue Richer, 22.

`A sept heures du soir exactement, Fandor sortait `a nouveau de chez lui. Il 'etait en habit, portait une fleur `a sa boutonni`ere, s’'etait ras'e de pr`es, avait l’allure d’un homme chic.

— Seigneur Dieu J'esus ! s’'ecria sa concierge en le voyant passer. Vous allez-t’y donc voir une demoiselle pour vous marier ?

— Justement, madame, r'epondait Fandor, c’est exactement cela et pas autre chose. Je vais peut-^etre me marier cette nuit.

Quiconque se f^ut `a coup s^ur tromp'e au sens 'equivoque de ces paroles, si d’aventure on avait entendu l’adresse que J'er^ome Fandor donnait quelques instants plus tard au taxi-auto qu’il arr^etait :

— Place Pigalle, au Monast`ere [8].

Mais pourquoi Fandor s’'etait-il mis en habit ? Pourquoi se rendait-il `a Montmartre `a une heure o`u Montmartre sommeille encore ?

Fandor se tenait tout simplement le raisonnement suivant :

« Baraban allait `a Montmartre. Bon, s’il allait `a Montmartre, il doit y ^etre connu. Bon. S’il est connu `a Montmartre, j’aurai `a Montmartre des renseignements int'eressants sur lui. »

Fandor se rendait donc tranquillement `a Montmartre, se pr'eparant `a y d^iner et `a y passer la nuit, `a effectuer des recherches polici`eres.

Dans sa voiture, Fandor tira son portefeuille, y logea deux petites cartes qu’il consid'erait en riant :

— Si Juve voyait cela entre mes mains, murmurait-il, il en attraperait deux jaunisses au moins.

Au Monast`ere, 'etablissement ultra-chic, Fandor descendit. Il paya son taxi-auto puis entra dans une grande salle. Il 'etait `a peine huit heures, il y avait encore fort peu de d^ineurs et les ma^itres d’h^otel s’avancaient pour lui offrir une table :

— Deux couverts ? demanda l’un de ces graves personnages, peu habitu'es `a ce qu’un gentleman v^int seul d^iner `a pareil endroit.

Fandor, `a ce moment, eut une id'ee saugrenue :

— Payons d’audace, pensa-t-il.

Il jeta un regard d'edaigneux autour de lui, semblant h'esiter.

— Heu, dit-il, ca n’a pas l’air bien gai, chez vous. Il n’y a personne, ici.

— Il est encore de bonne heure, monsieur. Monsieur veut-il cette table ?

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