Том 5. Письма из Франции и Италии
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Elle doit ^etre belle pourtant, la soci'et'e d'efendue par Thiers.
La religion – d'efendue par Thiers!
La famille – d'efendue par Thiers!
Thierus, salvator societatis, redemptor – usurae et proprietatis defensor… ora pro nobis!
Pauvre J'esus Christ! A quels temps de mis`ere es-tu parvenu…
Je dis Thiers… car il est le plus parfait repr'esentant de la majorit'e, de cette majorit'e audacieuse en apparence et humble en fait, majorit'e joviale qui en riant et faisant des phrases d'eporte des milliers, qui n’a qu’un Dieu – le capital – et son proph`ete – la rente… n’a d’autre Dieu `a c^ot'e de lui.
Thiers – causeur in'epuisable, l'eger, superficiel, mutin et aimant l’autorit'e; lib'eral et couvert du sang de Lyon; esprit fort qui a dict'e les lois de septembre – oui, c’est le type dela majorit'e renti`ere! M^eme son ext'erieur de vieillard mignon avec de petites jambes dodues, avec un ventre agr'eable, avec son air de majordome, de Figaro `a cheveux blancs – est un id'eal – repr'esente tr`es bien la couche grasse qui se r'epand comme l’huile sur toute la soci'et'e moderne!
Qu’on ordonne donc au plus vite de couler une statue de Thiers, en airain, une statue avec des lunettes, avec son costume d’'et'e et son sourire de toutes les saisons. Sa place est toute trouv'ee; il remplacera la danseuse d’op'era sur la colonne de Juillet. A la Place de la Bastille – Thiers; `a la Place Vend^ome – son empereur. L’'epoque h'ero"ique de la bourgeoisie allant conqu'erir le monde et l’'epoque de floraison de la bourgeoisie jouant le monde `a la bourse!
– Tout cela est bien triste, bien d'eplorable, – me disaient mes braves amis atteints d’une esp'erance chronique et d’un optimisme incurable, – mais c’est passager; il ne faut pas se m'eprendre… Attendez un peu; nos ennemis veulent toucher de leurs mains «sacril`eges et liberticides» au suffrage universel. Le peuple se l`evera comme un seul homme pour d'efendre le plus sacr'e de ses droits…
Je secouais la t^ete sans rien dire. Deux mois se sont 'ecoul'es. Le suffrage universel est aboli, et pas un homme ne s’est lev'e. Le peuple est rest'e dans le calme
Mais les hommes frapp'es d’esp'erances `a perp'etuit'e me rient au nez… «Vous n’y comprenez rien, le gouvernement est tout proche de sa chute… regardez, regardez comme il se penche!..»
Je regarde… Le gouvernement devient de plus en plus stable…
– Mes amis, – leur disais-je, – il tombera, pas le moindre doute; tout passe dans ce monde, et la passion du changement est le bon g'enie de la France… Mais ce n’est pas par vous ni pour vous que le r'egime actuel tombera. Le peuple n’est ni pour le gouvernement ni pour vous. La lutte entre les formes gouvernementales ne l’int'eresse pas. Il vous suffit, `a vous, d’avoir les mots; le peuple ne d'esire que les choses,votre libert'e formaliste ne le tente pas. Le peuple n’est pas avec vous parce que vous devez ^etre avec lui. Vous devez enfin s'erieusement l’'etudier – non dans les livres mais dans les chaumi`eres, – et non lui – donner son sang pour des essais de r'evolution exp'erimentale. Il faut abandonner la vieille routine… ou ^etre pr^et `a passer `a l’'etat d’anachronisme vivant, de revenants, de raret'e historique, pal'eontologique – comme les l'egitimistes, les j'esuites et autres fossiles.
– Il est beau d’esp'erer… mais il est diablement utile d’analyser!
Mais je quitte mes amis… pour ajouter encore quelques mots sur Paris.
Il est difficile de s’imaginer de loin ce qui se fait ici. Aucune de ces petites, pauvres garanties, donn'ees par le code `a l’individu n’existe plus; une terreur polici`ere domine la ville, une terreur f'eroce et hypocrite qui se tient dans les t'en`ebres, qui se cache derri`ere le mur, qui 'ecoute derri`ere la porte. Les secrets de famille, les confidences amicales, tout tombe dans les mains sales des laquais de l’inquisition la"ique. On fait des perquisitions on emporte les papiers – on ne restitue que les notes des tailleurs et des bottiers.
On craint tout le monde… On craint les portiers, les соmmissionnaires, ses domestiques et les trois quarts de ses amis. Les uns dorment ailleurs que chez eux; d’autres portent toujours un passeport vis'e pour quelque pays libre. Au coin des rues r^odent des figures patibulaires en redingote qui n’est pas faite `a leur taille, en chapeau r^ap'e, avec une moustache militaire. Ces ^etres reconduisent les passants par leur regard, les suivent, les montrent `a d’autres… Ce sont les anges gardiens de la soci'et'e!
Le soir, des bandes d’espions vont `a la chasse des journaux qui n’ont pas l’autorisation de la vente dans les rues. Par de petites ruses, en se parjurant, en mentant, ils parviennent `a acheter un num'ero de L’Ev'enement… Ils sifflent alors et d’autres en <…> [354] sieurs embarqu'es s’'elancent sur la petite boutique ou sur la table d’'etalage – tout est d'echir'e, bris'e… Une vieille femme, qui perd l`a son dernier avoir, se lamente, pleure; on la tra^ine, on la bouscule, on la maltraite et on l’am`ene `a la pr'efecture avec un enfant demi-nu, qui n’a rien mang'e et sur lequel on a trouv'e pour trois sous d’ Estafette. Les passants regardent ces sc`enes d'ego^utantes en se taisant… et vont leur chemin, heureux de ne pas ^etre compromis… Tout `a fait comme `a Varsovie apr`es le triomphe de l’ordre ou `a P'etersbourg o`u l’ordre triomphait toujours.
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край листа. – Ред.Et qui est-ce donc celui qui fait to<…> [355]
Une soci'et'e anonyme d’intrigants po<litiques> [356] , joueurs de bourse, s’appuyant sur la com<…> [357] <pub>lique [358] , sur la sympathie de la bourgeoisie <…> [359] par les pirates de la police et les condottieri, 'ecrase, opprime, abaisse la France et reste <…> [360] anonyme! – West-french company!
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Dans une tyrannie – sans tyran – il y a quelque <chose> [361] de plus d'ego^utant que dans l’oppression par<un> [362] monarque. L`a, on sait au moins qui ha"ir – on a une mire…
Cette «Gallican-exploration company» a un chef central de la police – un commissaire des commissaires, un homme qui a obtenu 6.000.000 de votes en m'emoire de ce que son oncle opprimait pendant 15 ans le m^eme peuple et parsema les champs de
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l’Europe enti`ere de cadavres francais pour faire possible la rentr'ee des Bourbons.
Mais le pr'esident n’est pas la cause du mal, il en est le r'esultat. Le principe morbifique est ailleurs, et d’abord, qui est-il, cet homme?
J’ai eu beau le regarder, je n’ai vu dans ses traits vulgaires,dans ses petits yeux torves, dans son nez d’une ignoble capacit'e – que des qualit'es n'egatives… et c’est ce qui m’a fait peur; c’est pour cela, pensai-je, qu’il sera grand, car il est de son temps.
L’honneur de produire ces hommes fades, effac'es, n'egatifs, sans sexe, sans talents et jouant un r^ole historique – appartient exclusivement `a notre si`ecle. J’ai vu de mes propres yeux le roi de Prusse, Pie IX et Louis Bonaparte – ce sont des vanit'es de la m^eme famille <…> [363]
Lorsque j’ai pass'e le pont du Var, et un carabinier pi'emontois m’a demand'e mon passeport pour l’inscrire, – je respirai avec libert'e.
J’ai honte, je rougis pour la France et pour moi-m^eme, mais je l’avoue, le m^eme sentiment s’empara de mon ^ame lorsque je passai la fronti`ere russe.
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Пропуск в рукописи. – Ред.