La fille de Fant?mas (Дочь Фантомаса)
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Discr`etement, elle tira de son r'eticule, un petit portefeuille qu’elle glissa presque de force dans la main du fossoyeur.
— Je vous jure, dit-elle, que nul n’en saura rien… nous aurons vite fait… au nom du Ciel aidez-moi.
Une lutte poignante devait s’^etre engag'ee dans la conscience du fonctionnaire.
Certes, ce que lui demandait cette femme 'etait 'etrange, anormal, non pas impossible comme il l’avait dit. Rien ne lui 'etait plus simple, en effet, que d’ouvrir la grille du caveau, que de descendre les quelques marches qui conduisaient `a la crypte pour aller ouvrir le cercueil.
Mieux que personne, le fossoyeur savait que le cimeti`ere 'etait d'esert, que nul ne viendrait les surprendre.
Il 'etait honn^ete homme et respectueux de la consigne, mais il n’'etait pas riche certes, et charg'e de famille.
Cette personne appartenait s^urement au grand monde et ce qu’elle disait devait ^etre vrai, et le fossoyeur savait par exp'erience que ce n’est pas par pure curiosit'e ou simple gaiet'e de coeur que l’on d'esire faire ouvrir un cercueil.
Apr`es de longues h'esitations, c'edant enfin aux objurgations de plus en plus vives de son interlocutrice, le fossoyeur acquiesca.
La grille s’ouvrit, l’homme et la femme descendirent doucement dans le caveau glacial 'eclair'e par la lune.
Il y avait l`a plusieurs cercueils rang'es les uns `a c^ot'e des autres, attendant leur inhumation d'efinitive.
Une grande bi`ere, sur le couvercle de laquelle 'etait fix'ee une plaque de m'etal portant cette simple inscription :
Tom Bob
retint l’attention de la dame blonde.
Elle d'esigna du doigt le cercueil au fossoyeur.
Celui-ci, r'esolu `a tenir sa promesse jusqu’au bout, avec une dext'erit'e de professionnel, enleva de la pointe de son couteau les vis `a peine enfonc'ees du couvercle de ch^ene. Le couvercle se rabattit bient^ot. Le mort apparut.
C’'etait un homme d’une quarantaine d’ann'ees, au visage calme et repos'e, au cheveu rare, argent'e sur les tempes. Il paraissait dormir et ses membres n’avaient m^eme pas la rigidit'e habituelle des cadavres.
— D'ep^echez-vous, madame, dit le fossoyeur qui s’'etait 'ecart'e.
La grande dame s’'etait jet'ee `a genoux pr`es de la bi`ere ouverte, et avant que le fossoyeur ne f^ut revenu de sa surprise, elle avait renvers'e le contenu d’une fiole dissimul'ee dans le creux de sa main, sur les l`evres du mort.
Le fossoyeur avait pouss'e un cri d’'epouvante :
— Ah ! madame… que voulez-vous donc faire ?
Mais l’'emotion, le cloua sur place, 'emu, h'eb'et'e, 'evanoui, on ne savait pas.
Quelques secondes apr`es, le mort revenait `a la vie. Ses paupi`eres remuaient, ses bras eurent quelques contractions. L’homme enfin se redressa.
Ses l`evres s’agit`erent, il parla :
— Lady Beltham, murmura-t-il, merci, je vous attendais.
Lady Beltham, car c’'etait elle, en effet qui avait assum'e la redoutable t^ache de venir ouvrir le cercueil de Tom Bob, eut un mouvement d’angoisse :
— Vous 'etiez donc r'eveill'e ? fit-elle.
— Depuis une heure, r'epliqua le ressuscit'e, je vous entendais, mais je ne pouvais faire le moindre mouvement. Si mon esprit vivait, mon corps 'etait encore plong'e dans la catalepsie.
— Tom Bob, implora lady Beltham, partons… fuyons.
L’homme sur la bi`ere duquel on avait 'ecrit le nom c'el`ebre de
— Celui-l`a, qu’est-ce qu’il fait ?
Lady Beltham expliqua le pr'ecieux concours que lui avait pr^et'e le fossoyeur, elle insista sur le malheur irr'eparable qui aurait r'esult'e de son refus de coop'erer.
Tom Bob, cependant, qui sentait peu `a peu rena^itre en lui son irr'eductible vigueur, son admirable robustesse, demeurait songeur, les sourcils fronc'es.
— Ce fossoyeur, articula-t-il enfin, lentement, est un t'emoin… f^acheux.
— Gr^ace pour lui, Tom Bob, dit lady Beltham.
Mais Tom Bob ne l’'ecoutait pas. D'ej`a il se penchait sur le corps inerte du fossoyeur. La commotion avait 'et'e violente, l’homme ne reprenait toujours pas connaissance. Tom Bob eut un sourire affreux, en consid'erant celui qui allait ^etre sa victime. Ses mains muscl'ees et vigoureuses se nou`erent autour du cou du fossoyeur, puis ses doigts serr`erent longuement, cependant que le pouce comprimait avec 'energie les carotides et la trach'ee-art`ere. Le malheureux n’eut pas un mouvement de r'evolte, ne fit pas un geste.
`A peine entendit-on un l'eger r^ale s’'echapper de sa gorge, puis sa t^ete retomba en arri`ere, cependant que ses l`evres devenaient toutes blanches et que ses yeux se r'evulsaient.
Lady Beltham, 'epouvant'ee, s’'etait laiss'ee tomber sur les dalles de pierre qui constituaient le sol du caveau.
De ses yeux fixes, agrandis par l’'epouvante, d'esormais, elle regardait faire Tom Bob.
Tom Bob avait soulev'e le cadavre du fossoyeur, sa force hercul'eenne lui 'etait enti`erement revenu, et Tom Bob prenait le mort `a pleins bras, l’emportait pour le d'eposer ensuite dans le cercueil, dont lui-m^eme venait de sortir quelques instants auparavant.
Tom Bob, cet acte horrible accompli, revissa le couvercle sur la bi`ere avec une h^ate f'ebrile, et quelques minutes plus tard, l’ordre 'etait r'etabli dans la crypte.
Dans les cercueils, rang'es les uns contre les autres, il n’y avait plus d'esormais que des morts… que de v'eritables morts.
***
La nuit n’'etait pas encore achev'ee que Tom Bob et lady Beltham se retrouvaient dans une petite maison isol'ee de la banlieue de Londres.
Cependant, lady Beltham luttait encore pour r'eagir contre l’'emotion qui l’avait tortur'ee.
Tom Bob, lui, fit une toilette minutieuse, puis s’appr^eta `a partir.
— Tom Bob, dit lady Beltham, vous me quittez, vous m’abandonnez, moi qui vous ai sauv'e ?
— Je vous ai sauv'ee aussi, r'epliqua Tom Bob, et je vous sauverai encore, mais un homme, m^eme un homme comme moi, n’a qu’une parole. J’ai jur'e, je vais tenir mon serment.
Lady Beltham 'epouvant'ee, car sans doute elle comprenait la d'ecision du myst'erieux personnage qu’elle venait d’arracher `a la mort la plus affreuse, interrogeait douloureusement :