Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
— Vous m’'etonnez, fit le directeur de la Monnaie. Je ne dis pas que je ne vais pas quelquefois au restaurant, mais on ne m’y conna^it pas sous mon nom et bien peu de gens peuvent m’y voir…
— C’est juste ! fit Juve. J’imagine en effet que si vous allez dans les restaurants parisiens, vous y d^inez dans les cabinets particuliers !
— Pardon, monsieur, interrompit Drapier, il me semble que ce sont l`a des questions d’un ordre tout `a fait priv'e et qui ne concernent gu`ere l’enqu^ete que vous ^etes venu faire `a mon domicile ?
Juve protestait d’un geste de la main.
— Excusez-moi, monsieur Drapier, en effet, notre conversation s’est 'egar'ee `a mon insu, nous bavardions agr'eablement, j’oubliais mon r^ole.
« Voyons, je redeviens l’inspecteur de la S^uret'e, monsieur Drapier ; veuillez me raconter les circonstances dans lesquelles le drame d'ecouvert chez vous est survenu.
« Mais avant que vous ne commenciez, monsieur Drapier, je dois vous dire que j’ai lu votre d'eposition au commissariat de police, et que si vous n’avez rien d’autre `a y ajouter, il est inutile de me r'ep'eter les faits que je connais !
— Je n’ai rien d’autre `a dire, en effet, monsieur Juve… Mais pardon, que faites-vous ?…
Drapier consid'erait `a ce moment le policier non sans stup'efaction.
Juve, en effet, se livrait `a une 'etrange besogne.
Juve, tout en bavardant avec M. Drapier, avait sorti de sa poche un petit trousseau de clefs, il les essayait les unes apr`es les autres, puis, ayant fini par en d'ecouvrir une qui ouvrait l’un des tiroirs, il fouillait dans ce tiroir, en sortait des papiers, que, sans la moindre vergogne, il se mettait `a lire.
— Voyez, d'eclara-t-il tr`es simplement `a M. Drapier, sans para^itre se rendre compte de l’incorrection qu’il commettait, voyez, monsieur, comme le hasard sert souvent la police !
« Je venais chez vous dans l’intention de vous demander `a voir les certificats qui vous ont d'ecid'e `a engager ce malheureux valet de chambre !
« Or, voici que sans vous occasionner le moindre d'erangement, je trouve ces certificats dans votre bureau. Vous me permettez, n’est-il pas vrai, de les emporter ?
Drapier 'etait si abasourdi qu’il ne r'epondait absolument rien.
Juve, cependant, parcourait les fameux certificats si 'elogieux qui avaient si ais'ement d'ecid'e M me Drapier `a choisir son valet de chambre.
— C’est curieux ! articula-t-il, Alvarez ?… Alvarez Cruisa ?… Voil`a un consul du Mexique que j’ai rarement vu figurer dans les annuaires !… Ce qu’il y a d’'etonnant, c’est qu’il habitait, `a Paris, une rue ne comportant que quatorze num'eros, quinze au maximum, or le certificat indique que son domicile se trouvait au num'ero 27 !…
— Ah ! vraiment, vous croyez ? fit d`es lors M. Drapier qui, intrigu'e, se rapprochait de Juve, venait voir le certificat.
Le policier se mit `a lire, il regardait l’autre certificat fourni par une certaine baronne de Laverdier .
— La baronne de Laverdier, fit Juve, j’ai connu cela, autrefois, grand nom de l’Empire, famille disparue, si je ne me trompe, avec le d'ec`es du fils unique de la baronne, mort dans une maison de fous !
« Il faut d'ecid'ement tout savoir, lorsqu’on est de la police, n’est-il pas vrai, monsieur Drapier ?
— Monsieur Juve, articula le directeur de la Monnaie, vous commencez `a m’inqui'eter s'erieusement. Je comprends o`u vous voulez en venir, vos observations ne tendent-elles pas `a conclure que ces certificats 'etaient faux ?
— Je n’affirme rien ! fit Juve, mais `a vous parler franchement, ma conviction est faite, ces certificats sont faux, la seule chose int'eressante d’ailleurs, c’est de savoir qui les a fabriqu'es…
— Ce ne peut ^etre que le domestique lui-m^eme, articula L'eon Drapier.
— Ce que vous dites semble logique au premier abord, poursuivit Juve, malheureusement l’observation d'emontre le contraire !
« Je suis un peu graphologie, monsieur Drapier ; `a mes moments perdus, j’'etudie, comme cela, les 'ecritures. C’est une science `a laquelle je crois et je ne suis d’ailleurs pas le seul !
« Or, il ressort de mon examen que ces certificats ont 'et'e r'edig'es par une main f'eminine, et que la personne qui les a 'ecrits, sans avoir une 'education bien extraordinaire, poss`ede n'eanmoins une bonne petite instruction…
« Elle ne manque pas d’une certaine ambition – un bon sentiment –, elle aime l’argent, le luxe, elle professe pour tout travail mat'eriel une paresse irr'eductible… Mais voil`a que je m’emballe, monsieur Drapier, sur la graphologie, or, nous sommes ici pour autre chose !
« Mon Dieu, monsieur Drapier, que c’est remarquable d’avoir de l’ordre comme vous en avez ! Les tiroirs de votre bureau sont rang'es `a merveille ; vous m’excuserez, n’est-il pas vrai, de les fouiller comme s’ils m’appartenaient ? Mais c’est un usage consacr'e par la loi qui permet aux inspecteurs de la S^uret'e de visiter les objets personnels de leurs clients, or j’ai l’honneur de vous compter comme client et m^eme, `a ce propos, je solliciterai de votre obligeance une faveur…
Drapier 'etait de plus en plus interloqu'e par l’attitude de son interlocuteur.
Vraiment, ce Juve 'etait un original, avec qui il ne fallait s’'etonner de rien !
— Que va-t-il me demander encore ? songea Drapier.
Or la requ^ete de Juve 'etait si simple que le directeur de la Monnaie en fut presque d'esappoint'e.
— Je voudrais avoir, fit Juve, votre carte de visite.
— Vraiment ? il y en a dans mon tiroir de gauche.
— Pas celle-l`a, interrompit vivement le policier, une de celles que vous avez certainement dans votre portefeuille ?
— Soit ! fit Drapier, qui ne savait pas o`u Juve voulait en venir.
Comme il sortait son portefeuille de sa poche pour en retirer le carton demand'e, une enveloppe tomba.
Juve, avec une soudaine rapidit'e, se pr'ecipitait, la ramassait.
La lettre 'etait adress'ee : M. L'eon Drapier. Juve tressaillit l'eg`erement en apercevant la suscription de l’enveloppe !
Toutefois, avec une incorrection parfaite, il sortait de cette enveloppe la lettre qui s’y trouvait…