Le Voleur d'Or (Золотой вор)
Шрифт:
« Pas avec M me Drapier ! m’avez-vous dit ! Elle ne sort jamais ! J’ai insinu'e que vous 'etiez populaire dans ces 'etablissements, vous m’avez r'epondu qu’au contraire, nul ne vous y rencontrait !…
« C’'etait donc que vous alliez dans les cabinets particuliers !
« On ne va pas seul dans un cabinet particulier, on y va toujours `a deux, quel 'etait l’autre ? Je vous ai demand'e votre carte de visite pour vous inciter `a sortir votre portefeuille, c’est l`a d’ordinaire qu’on met les lettres qui ne doivent point tra^iner…
« Pr'ecis'ement, l’une de ces lettres est tomb'ee de votre poche, je vous l’ai rendue… Son contenu ne m’int'eresse pas, mais j’ai gard'e l’enveloppe et j’ai trouv'e, `a l’endroit o`u la fermeture porte de la gomme, un cheveu qui s’est intercal'e… C’est en mouillant avec ses l`evres cette gomme que M lle Paulette a pris un de ses cheveux qui est rest'e dans l’enveloppe !
« Il y a en outre, sur cette enveloppe, quelques taches tr`es caract'eristiques, provenant de l’eau dentifrice qu’emploie votre charmante amie, car je ne doute pas qu’elle ne soit charmante, c’est ce qui m’a permis de conclure que M lle Paulette, puisque Paulette il y a, a l’habitude d’'ecrire sa correspondance dans son cabinet de toilette avec ses cheveux 'etendus sur ses 'epaules… Et voil`a !
L'eon Drapier restait abasourdi devant les logiques d'eductions de Juve.
Il abandonnait son air arrogant et il se fit tr`es humble d'esormais, pour murmurer `a voix basse :
— Monsieur Juve, je vous admire, et je m’excuse encore une fois de l’attitude que j’ai eue `a votre 'egard. 'Ecoutez-moi bien. Je vous jure que je ne sais ce qui s’est pass'e… Je vous jure que je ne suis pour rien dans cette myst'erieuse affaire… Un seul point au surplus me pr'eoccupe et m’inqui`ete, surtout qu’on ne sache jamais chez moi que j’ai une ma^itresse et que je suis en relation avec Paulette de Valmondois !
Juve souriait aimablement.
— Vous pouvez compter sur moi, d'eclara-t-il d’un ton sinc`ere, pour ^etre la discr'etion m^eme ; puisque nous voici en confiance, et pour m’'eviter des recherches inutiles, ayez donc l’obligeance de me donner l’adresse exacte de M lle Paulette ?
L'eon Drapier sursauta :
— Et vous voudriez aller la voir ?
— Oui ! fit Juve.
— Et que lui direz-vous ?
— Ceci me regarde.
— Mais qu’a-t-elle `a faire dans tout ce drame ? Paulette n’est aucunement m^el'ee au malheur qui s’est produit…
— Peu importe !… J’aurai plaisir `a la conna^itre !
— Monsieur Juve, je vais vous accompagner chez elle.
— J’irai seul, je vous en prie !
— Monsieur Juve…
Juve 'etait d'ej`a sur le pas de la porte, et c’'etait en lui prenant sa main dans les deux siennes, que L'eon Drapier le retenait.
— Monsieur Juve… monsieur Juve…
— Quoi, monsieur ?
— Vous disiez tout `a l’heure, il me semble, qu’il y avait peut-^etre, entre ma ma^itresse et la mort de Firmain, un lien quelconque. Je vous en supplie… fournissez-moi une explication, qu’est-ce que cela signifie ?
— N’ayez pas peur ! d'eclara Juve d’un ton rassurant, et ne prenez point pour parole d’'evangile chacune des id'ees que j’'emets ! Jusqu’`a pr'esent je ne peux rien vous dire, mais comptez que je ferai l’impossible pour savoir la v'erit'e, et que, d’autre part, je la dirai discr`etement. Alors ? nous disions que M lle Paulette de Valmondois habitait, habite du moins… ?
R'esign'e, subjugu'e par l’ascendant de Juve, L'eon Drapier articula :
— 187, rue Blanche, au premier au-dessus de l’entresol !
Juve, pos'ement, prenait note de l’adresse, et il se retirait. Il 'etait d'ej`a dans la galerie, lorsque, rebroussant chemin, il s’en vint demander `a L'eon Drapier en le fixant dans les yeux :
— Vous avez fait des d'eclarations formelles `a cet 'egard, vous avez sign'e deux proc`es-verbaux bien nets et bien pr'ecis, de votre nom, de votre titre de directeur de la Monnaie, de votre grade d’officier de la L'egion d’honneur, proc`es-verbaux dans lesquels vous aviez affirm'e avoir pass'e chez vous la nuit `a l’issue de laquelle s’est produit le crime…
— J’ai sign'e cela, en effet, fit L'eon Drapier, qui visiblement p^alissait.
— C’est donc que c’est la v'erit'e ? insista Juve.
Apr`es un instant de silence, L'eon Drapier articula en h'esitant :
— C’est bien la v'erit'e !
— Merci, monsieur !
— Au revoir, monsieur !
Quelques instants apr`es, Juve descendait l’escalier.
Le policier paraissait fort joyeux.
— Elle se pr'esente de facon bizarre, cette affaire, songeait-il, tandis qu’en r'ealit'e elle est fort simple !
« Voyons, j’imagine que cet homme ne tardera pas `a dire la v'erit'e. J’ai d'ej`a sa confiance, il ne me ment plus qu’`a moiti'e. Et encore, par pudeur… parce qu’il est g^en'e d’avouer qu’il a fait un mensonge…
« Tout va bien !
VI
Ma^itresse infid`ele
Paulette de Valmondois t'el'ephonait.
— Bien s^ur, mon gros ch'eri, que ca me fera plaisir de te voir… mais oui, tr`es plaisir !… Tu le sais bien, grande b^ete ! Seulement voil`a… comprends donc… Faut surtout pas t’amener avant cinq heures ce soir… Tu me demandes pourquoi ?… Ah ! par exemple, ca c’est pas ordinaire !…
Si l’interlocuteur, `a l’autre bout du fil, avait pu voir Paulette `a ce moment, il aurait remarqu'e que la jolie fille esquissait un geste instinctif d’ignorance absolue.
Mais l’interlocuteur, le
Or, Paulette venait de trouver une explication plausible au d'elai qu’elle sollicitait `a l’heure qu’elle imposait au « gros ch'eri ».
— C’est rapport `a mon p`ere, dit-elle, tu sais bien que c’est son jour, le mardi, qu’il vient me voir tous les mardis, et si jamais papa te rencontrait, ca ferait une histoire 'epouvantable… Oui, c’est entendu, tu seras gentil, tu ne viendras qu’`a cinq heures… Je t’embrasse de tout mon coeur… Tiens, l`a ! sur le cornet du t'el'ephone ! Je t’envoie mes baisers par le fil… Il ne faut pas plaisanter ? Ce sont des choses graves que tu as `a me dire ? C’est toujours des choses graves !… All^o, all^o, allons bon ! c’est coup'e !…
Paulette Valmondois raccrochait le r'ecepteur, l’appareil 'etait pos'e sur la table de la petite salle `a manger o`u se trouvait la demi-mondaine qui d'ejeunait en t^ete `a t^ete avec sa bonne.
Celle-ci, une petite Normande aux yeux tout ronds, avait 'ecout'e avec la plus grande attention l’entretien de sa patronne au t'el'ephone, elle s’en arr^etait de manger.
— Eh bien ? interrogea Paulette, qu’est-ce que t’attends, Frise-`a-plat, pour finir le saucisson ?
La bonne, une toute jeune gamine, piquait dans le plat deux rondelles de cervelas, puis na"ivement, apr`es les avoir fourr'ees dans sa bouche, elle articula :