Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Caroline, qui 'etait une brave fille, s’adoucissait.
— Oh ! je sais bien qu’il n’y a pas de la faute de madame ni de monsieur !
Et elle allait entreprendre une conversation, lorsqu’un troisi`eme coup de sonnette retentit, plus imp'erieux, plus prolong'e que pr'ec'edemment.
— Allez ouvrir, Caroline ! supplia M me Drapier, laquelle s’'eclipsait aussit^ot, entrant dans le petit salon attenant `a la salle `a manger.
Caroline ouvrit.
Il y avait sur le palier un monsieur qui attendait. La cuisini`ere, au premier coup d’oeil, jugea que c’'etait quelqu’un de comme il faut, car il 'etait bien chauss'e, il 'etait coiff'e d’un chapeau melon de bonne forme, rev^etu d’un pardessus au col de velours, `a la coupe anglaise, `a l’'etoffe 'el'egante et riche.
Il pouvait avoir une quarantaine d’ann'ees environ, ses cheveux, `a ses tempes s’argentaient l'eg`erement.
Le visiteur fit un imperceptible signe de t^ete et demanda `a la domestique :
— M. Drapier est-il visible ?
Caroline n’avait pas l’habitude des relations ext'erieures ni des rapports officiels avec les ma^itres, elle savait toutefois qu’il ne fallait jamais r'epondre ni oui ni non `a de semblables questions, mais dire simplement :
— Je ne sais pas ! Je vais aller voir ! Si monsieur veut attendre…
Elle articulait la phrase classique que le visiteur approuva d’un l'eger signe de t^ete.
Il p'en'etrait `a la suite de la cuisini`ere dans la galerie. Caroline se retourna et lui demanda :
— Qui annoncerai-je `a monsieur, si monsieur est l`a ?
Le visiteur avait pos'e son chapeau, il articula :
— Vous annoncerez M. Juve !
— Monsieur Juve ! s’'ecria Caroline, ah ! par exemple ! L’agent de police ?
Juve esquissa un ironique sourire.
— Agent de police, fit-il, si vous voulez.
Caroline, toutefois, demeurait abasourdie, elle regardait l’inspecteur de la S^uret'e et son visage exprimait une r'eelle 'emotion.
— Mon Dieu, mon Dieu, balbutia-t-elle, c’est vous M. Juve !… Le fameux Juve !
— N’exag'erez pas !
— Oh, fit Caroline, j’ai bien souvent entendu parler de vous, lu votre nom sur les journaux !…
Elle s’arr^etait net et reprenait, presque terrifi'ee :
— Ah ca ! vous croyez donc que Fant^omas est compromis dans l’affaire ?
— Pourquoi ? demanda Juve interloqu'e.
— Mais parce que, monsieur… fit na"ivement la brave cuisini`ere, chaque fois qu’il s’agit d’une affaire de Fant^omas, vous y ^etes m^el'e, chaque fois que vous vous occupez d’un drame, c’est qu’`a ce drame se m^ele le nom de Fant^omas… Enfin, comme qui dirait, d`es qu’il y a du grabuge quelque part, l`a o`u on trouve Juve, on trouve Fant^omas, et l`a o`u vient Fant^omas, Juve ne tarde pas `a arriver ! Je m’explique peut-^etre mal, mais c’est l`a ma facon de penser !
Juve, malgr'e lui, souriait…
— Fant^omas n’est pas n'ecessairement dans toutes les affaires dont je m’occupe, et rien ne prouve qu’il soit intervenu dans l’assassinat de ce malheureux Firmin ! Mais le temps passe et vous seriez bien aimable de m’annoncer `a M. Drapier. N’est-ce pas, ma bonne Caroline ?
La cuisini`ere qui tournait les talons s’arr^eta, stup'efaite :
— Vous me connaissez, monsieur Juve ?
— Depuis cinq minutes, oui !
— Mais vous savez mon nom !
Le policier souriait encore :
— Affaire d’habitude, nous sommes tous comme ca, nous, les agents de la police, mais ne vous 'emotionnez pas et d'ep^echez-vous !…
« M me Drapier, tout `a l’heure, semblait fort ennuy'ee du temps que vous mettiez `a venir ouvrir, et je suis convaincu que M. Drapier, qui travaille actuellement dans son bureau, doit se demander quels sont les gens qui bavardent ainsi dans son antichambre !
Caroline 'etait de plus en plus 'etonn'ee.
— C’est pas Dieu possible, murmura-t-elle, ces gens de la police savent tout !
Elle interrogeait Juve.
— Qui c’est qui vous a donc dit que monsieur 'etait l`a ? Je parie que c’est encore la concierge ; cette femme se m^ele de tout ce qui ne la regarde pas !…
— Ca n’est pas la concierge, fit Juve doucement, c’est son chapeau.
— Son chapeau ? Elle n’a pas de chapeau !
Juve insistait toujours avec calme.
— Je vous parle du chapeau de M. Drapier qui est pendu ici `a ma droite, au porte-manteau, et dont le cuir int'erieur est encore tout luisant de la l'eg`ere transpiration de M. Drapier, ce qui prouve qu’il est rentr'e il y a dix minutes `a peine et qu’il a march'e tr`es vite, car il ne fait pas une temp'erature `a transpirer, si l’on marche `a son pas !
— Mais, vous ^etes sorcier !
— Ma bonne Caroline, interrompit Juve, je suis surtout un peu press'e, voulez-vous avoir l’obligeance de pr'evenir ?
Enfin, Caroline se d'ecidait…
Et perdant de plus en plus la t^ete, au lieu d’observer les r`egles protocolaires, elle ouvrit simplement en grand la porte du cabinet de M. Drapier, et d’une voix de stentor annonca :
— Monsieur Juve, agent de police !
— Elle y tient d'ecid'ement, pensa l’inspecteur de la S^uret'e !
Juve, toutefois, avait trop le respect et l’amour de sa profession pour estimer qu’il y avait quelque chose de d'egradant dans la qualification d’agent de police…
M. Drapier se leva, et vint au devant du c'el`ebre personnage.
Il lui d'esigna un si`ege, d’un air grave et compass'e, Juve fit semblant de ne pas apercevoir cette offre et resta debout cependant qu’il prenait un air aimable, pour entreprendre sa conversation avec M. Drapier.
C’'etait la premi`ere fois que le policier venait `a la maison du crime.
Assomm'e d’^etre oblig'e d’interrompre son voyage, il n’avait consenti `a s’occuper de l’affaire qu’avec une certaine mauvaise gr^ace.