Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Il estimait qu’elle s’embarquait fort mal pour lui, les conditions de l’assassinat 'etaient myst'erieuses, les motifs du crime n’apparaissaient point, la qualit'e de la victime, c’'etait triste `a dire, mais vrai, n’avait rien de bien sensationnel, et enfin Juve consid'erait qu’il 'etait dans une situation peu favoris'ee, par ce fait qu’il n’avait pas assist'e aux premi`eres constatations et que tr`es certainement il n’arriverait jamais `a reconstituer exactement ce qui avait pu se passer.
Toutefois, ces objections, lorsqu’il les avait eu faites dans son esprit, n’avaient pas 'et'e pour le d'ecourager, bien au contraire !
Juve, en effet, estimait que dans ces sortes de probl`emes plus les inconnues sont nombreuses, et plus les probl`emes sont attrayants.
Toutefois, au lieu d’aller vite en besogne, il se proposait d’agir doucement, de faire une enqu^ete de tout repos.
Il s’'etait fait pr'eciser les d'etails du crime par le commissaire de police, il avait not'e la position dans laquelle on avait retrouv'e le mort dans le cabinet de travail de M. Drapier et, bien qu’il se trouv^at pour la premi`ere fois dans cette pi`ece, dont la disposition des meubles avait 'et'e chang'ee, il se rendait parfaitement compte de l’endroit exact o`u 'etait tomb'e le cadavre.
Il y avait, recouvrant le tapis qui 'etait 'etendu sur le plancher, de petits tapis en peau de ch`evre, dispos'es c`a et l`a. Juve, qui ne s’'etait pas assis, malgr'e l’invitation de M. Drapier, alla soudain pr`es d’un petit gu'eridon, enleva le petit tapis qui 'etait `a sa base, et d'ecouvrit alors une tache brun^atre, qu’il consid'era quelques instants.
— C’est l`a, n’est-ce pas, monsieur, fit-il, que s’est produit l’'epanchement de sang ?
Drapier paraissait 'etonn'e mais voulut n’en rien montrer, et se contenta de r'epondre :
— En effet, monsieur !
Juve, d’ailleurs, n’attendait pas d’approbation.
Il avait sorti de sa poche un m`etre et un morceau de craie et sur le tapis il tracait quelques lignes, sans souci de faire des salet'es.
— Oui, continua-t-il, comme s’il se parlait `a lui-m^eme, il avait les pieds tout pr`es de la chemin'ee, et s’il est tomb'e de c^ot'e, c’est parce qu’en s’effondrant sa t^ete est venue heurter le bureau de travail et qu’elle a rebondi en avant…
« Voil`a, d’ailleurs, la trace bien nette de ce choc…
Juve appuyait le doigt sur l’angle du bureau empire de M. Drapier, et le directeur de la Monnaie, machinalement, regardait. Il remarquait en effet une l'eg`ere 'ecorchure au vernis du panneau.
Juve, alors, se dirigea du c^ot'e de la fen^etre et, de la facon la plus indiff'erente, demanda `a M. Drapier :
— Voulez-vous avoir l’obligeance de m’ouvrir cette fen^etre ?
L'eon Drapier ob'eissait sans comprendre.
Juve s’'eloignait.
— Restez l`a, dit-il `a Drapier qui voulait faire comme lui.
Le directeur de la Monnaie ob'eit.
— Merci ! lui cria le policier du milieu de la pi`ece ; maintenant, si vous n’y voyez pas d’inconv'enient, ayez donc l’obligeance de fermer cette fen^etre, car il me semble qu’il ne fait pas tr`es chaud !
Ces paroles simples, qui semblaient cependant dissimuler un projet myst'erieux, 'etonnaient profond'ement le directeur de la Monnaie…
L'eon Drapier, toutefois, n’osait rien dire ; il savait que Juve, dont la r'eputation 'etait mondiale, passait pour un original et qu’il aurait 'et'e d’une mauvaise politique de le contrarier.
Apr`es avoir ouvert la fen^etre, L'eon Drapier la referma donc ; or, comme il tournait l’espagnolette, la voix de Juve retentit `a nouveau.
Elle 'etait toute chang'ee, elle se faisait d'esormais aimable, cordiale ; Juve, du milieu de la pi`ece, appelait L'eon Drapier et lui disait :
— Et maintenant, monsieur, voulez-vous que nous causions ?
— Certainement ! articula L'eon Drapier.
Juve l’invitait aimablement.
— Prenez donc la peine de vous asseoir !
Machinalement, L'eon Drapier ob'eissait et s’installait dans un fauteuil, constatant que Juve avait, sans la moindre vergogne, pris sa propre place devant son bureau.
— Ce policier, pensa-t-il, manque d’'education ; il m’invite `a m’asseoir chez moi, alors que ce devrait ^etre le contraire, et il s’installe `a la place o`u j’ai l’habitude de me mettre !
Mais L'eon Drapier rougit soudainement ; Juve, en effet, qui avait parfaitement lu dans ses yeux sa pens'ee, lui r'epondait d’un air ironique :
— J’ai l’air mal 'elev'e comme cela, mais au fond, je le suis moins que je n’en ai l’air ! Et si j’ai pris votre place, monsieur le directeur, c’est parce qu’au fond je suis un maniaque ! Vous m’en excuserez !
L'eon Drapier ne savait que r'epondre…
Juve, d’ailleurs, ne laissait pas tomber la conversation.
— Vous devez ^etre fort occup'e, monsieur Drapier, d'eclarait-il, en votre qualit'e de directeur de la Monnaie ? C’est l`a une situation tr`es importante et qui comporte d’extr^emes responsabilit'es ; toutefois, j’imagine que la direction de cette usine d’un caract`ere si sp'ecial… doit ^etre fort attrayante…
— Mais certainement, monsieur, r'epliquait Drapier, qui s’imaginait peu qu’on allait le questionner sur ses occupations.
Juve, toutefois, poursuivait :
— Vous ^etes en somme une personnalit'e dans le monde des fonctionnaires, et vous devez sans cesse ^etre sollicit'e pour des recommandations ; si j’en juge par l’importance de votre appartement, non seulement vous ^etes riche, monsieur Drapier, mais encore vous devez beaucoup recevoir ?
— C’est-`a-dire, fit Drapier, que pendant la saison nous voyons quelques amis, mais ma femme est tr`es s'edentaire…
— Je sais, oui, elle sort rarement !
— Pour ainsi dire jamais ! poursuivit Drapier.
— Ce n’est pas comme vous, sourit aimablement Juve, vous appr'eciez la vie parisienne, charmante, d’ailleurs. Les restaurants 'el'egants ont l’honneur de vous compter au nombre de leurs clients ?
Interloqu'e, Drapier interrogea :
— Mais comment savez-vous cela ?
— Parce que c’est de notori'et'e publique, monsieur Drapier, sans doute !