Le Voleur d'Or (Золотой вор)
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Ce soir-l`a, le soir du drame, sur les instances de L'eon Drapier, Mix avait consenti `a redescendre avec lui dans la cave.
Le directeur de la Monnaie voulait, en effet, ^etre renseign'e sur un fait qui lui paraissait extraordinaire.
Y avait-il r'eellement quelqu’un de cach'e sous l’amoncellement des pi`eces d’or 'eparpill'ees dans la cave ?
Et, dans l’affirmative, quel 'etait ce quelqu’un ?
Les deux hommes 'etaient donc descendus vers onze heures du soir, c’est-`a-dire apr`es la capture de L'eon Drapier dans le pi`ege, revoir la cave myst'erieuse.
Or, ils avaient retrouv'e le tas de pi`eces d’or, et ils s’'etaient bien rendu compte qu’assur'ement quelqu’un avait d^u fuir par un trou creus'e `a m^eme le sol, mais lorsque L'eon Drapier avait voulu en aviser la police, Mix s’y 'etait oppos'e.
— `A quoi bon ? disait le d'etective. En voulant trop prouver, on ne prouve rien, et si nous montrons `a M. Havard ce passage souterrain, qui communique certainement avec l’ext'erieur et par lequel a d^u s’introduire le voleur, nous sommes certains que tout le monde sera au courant de ce qui s’est pass'e et que plus jamais on ne parviendra `a prendre le coupable ! Il faut avoir l’air d’ignorer que nous avons d'ecouvert le chemin par lequel l’homme d'erobe les pi`eces d’or, l’homme qui s’est fait prendre au pi`ege et qui s’est 'echapp'e, et ceci pour que le personnage, convaincu qu’il ne risque rien, se d'ecide `a revenir. Alors nous le prendrons, et non seulement votre innocence, monsieur L'eon Drapier, sera prouv'ee, mais encore nous apporterons `a la justice les preuves de cette innocence, et le coupable ne pourra plus nier !
L'eon Drapier, peu `a peu, s’'etait rendu `a ce raisonnement, car Mix lui avait fait valoir cet argument :
— Ce passage souterrain, du moment qu’il n’y a personne dedans et que nul ne s’en sert, ne justifie pas votre honn^etet'e ! Et si la police vous soupconne, elle imaginera tr`es certainement que c’est vous-m^eme qui avez fait creuser ce passage afin de lui donner le change !…
Et Mix concluait, d’une facon doctorale et sentencieuse :
— Le personnel de la S^uret'e, depuis le plus petit inspecteur jusqu’au chef, est compos'e de gens simples et de gens ent^et'es qui, lorsqu’ils ont trouv'e une piste qui leur para^it vraisemblable, ne changent plus jamais d’opinion et s’y tiennent en d'epit de tout.
L'eon Drapier alors, sur les conseils de Mix, avait quitt'e la cave, dont il refermait soigneusement la porte `a cl'e, ayant soin de laisser tout en 'etat, puis il avait regagn'e son domicile.
Et, pendant quarante-huit heures, Mix avait disparu…
Ce soir-l`a, L'eon Drapier retrouvait son d'etective chez lui.
`A peine avait-il ^ot'e son chapeau et son pardessus que L'eon Drapier s’entendait dire par son 'enigmatique conseiller :
— Si vous voulez m’en croire, monsieur L'eon Drapier, nous allons sortir imm'ediatement pour nous rendre `a la Monnaie.
— Pourquoi faire ? interrogea Drapier surpris.
— Parce que, articula Mix `a voix basse, comme s’il redoutait d’^etre entendu par quelqu’un dans la maison, j’ai l’impression, la conviction, presque la certitude que, si nous nous rendons cette nuit dans les caves de l’h^otel des Monnaies, nous y apprendrons du nouveau…
— Qu’est-ce qui vous fait croire cela ? demandait Drapier.
— Mes pressentiments ! faisait simplement Mix, qui ajoutait encore : Vous n’ignorez pas, monsieur Drapier, que je crois aux pressentiments de la facon la plus formelle et la plus absolue. Jamais, jusqu’`a pr'esent, je n’ai 'et'e tromp'e par ces myst'erieuses r'ev'elations de l’au-del`a et, au surplus, si nous ne r'eussissons pas, si nous ne voyons personne, cela ne saurait nous nuire en aucune facon…
L'eon Drapier, qui 'etait accabl'e par les successions de drames qui se produisaient autour de lui, L'eon Drapier, qui, depuis la mort de sa ma^itresse, mort myst'erieuse et tragique, demeurait comme frapp'e par un coup de massue, avait perdu toute volont'e d’agir et de penser.
Il se laissait guider comme un enfant et, Mix lui ayant manifest'e son d'esir de partir le plus t^ot possible pour l’h^otel des Monnaies, Drapier s’en allait remettre son pardessus et son chapeau.
Depuis quarante-huit heures, c’'etait `a peine s’il avait vu sa femme, s’il s’'etait pr'eoccup'e de ce qu’elle devenait.
Toutefois, malgr'e son ahurissement, L'eon Drapier n’avait qu’une id'ee, qui persistait `a la mani`ere d’une id'ee fixe dans son esprit.
Il s’inqui'etait uniquement de savoir si la tante Denise 'etait ou non au courant de ce qui s’'etait pass'e, et jusqu’`a pr'esent il avait le bonheur d’apprendre que la tante Denise, dans son isolement provincial et lointain de Poitiers, ignorait absolument tout des drames survenus, `a l’exception toutefois des fuites myst'erieuses que l’on avait constat'ees `a la Monnaie et dont on parlait dans les journaux, mais `a propos desquelles on n’incriminait en aucune facon le haut fonctionnaire des finances qui dirigeait l’atelier de la frappe des monnaies.
Quelques instants apr`es, Mix et L'eon Drapier se trouvaient dans la rue de l’Universit'e et s’acheminaient d’un pas rapide dans la direction de l’h^otel des Monnaies.
— Le gardien va ^etre surpris de nous voir ! articula Drapier, qui songeait qu’il 'etait une heure avanc'ee de la nuit et qu’on allait s^urement s’'etonner de le voir arriver.
`A peine avait-il prof'er'e ces paroles que Mix s’arr^etait net sur le trottoir et regardait fixement son compagnon.
— Ah c`a ! interrogea-t-il, perdez-vous la t^ete ?
— Pourquoi donc ? demanda L'eon Drapier.
— Mais, poursuivit Mix, parce qu’il n’est pas dans mes intentions, le moindrement, d’informer vos gardiens de votre venue `a l’h^otel !… Il faut au contraire que celle-ci passe absolument inapercue…
L'eon Drapier ne comprenait pas le motif de cette attitude pr'econis'ee par son d'etective.
— Pourquoi donc ? demanda-t-il encore.
Mix haussa les 'epaules.
— D'ecid'ement, vous n’entendez rien aux enqu^etes ! grogna-t-il d’un ton m'eprisant, et vous pouvez b'enir le ciel qui m’a mis sur votre chemin, sans quoi j’aime `a croire qu’`a l’heure actuelle, bien que vous soyez aussi innocent que l’enfant qui vient de na^itre, vous seriez inculp'e par le service de la S^uret'e et peut-^etre d'ej`a convoqu'e chez le juge d’instruction ! Laissez-moi faire, et si je vous demande de vous introduire avec moi cette nuit incognito dans l’h^otel des Monnaies, c’est parce que j’ai mes raisons !
Les deux hommes se remirent `a marcher en silence, car L'eon Drapier n’avait rien r'epondu, mais en lui-m^eme il croyait comprendre d'esormais l’intention de son d'etective.
— Assur'ement, pensait-il, Mix soupconne quelqu’un de mes employ'es d’^etre l’auteur de ces vols myst'erieux ! Apr`es tout, peut-^etre n’a-t-il pas tort. Plus j’y r'efl'echis, et plus il me semble 'evident que seul un homme qui a ses grandes et ses petites entr'ees `a la Monnaie peut parvenir `a en distraire les sommes 'enormes dont nous avons constat'e la disparition. C’est d'ej`a difficile, et cela n'ecessite une audace extr^eme en m^eme temps qu’une connaissance parfaite des lieux ! Il est certain qu’un 'etranger serait incapable de commettre de semblables vols !…
Les deux hommes arrivaient sur les bords de la Seine et ils allaient s’engager, L'eon Drapier pr'ec'edant Mix, sur le quai Conti, lorsque le d'etective toucha l’'epaule du directeur de la Monnaie.
— Pardon ! articula-t-il `a voix basse, venez par ici !
Et, du geste, il lui indiquait l’'etroite et sombre rue Gu'en'egaud sur le c^ot'e droit de laquelle s’'el`eve une des facades de l’h^otel des Monnaies.
— Que comptez-vous faire par l`a ? demanda L'eon Drapier.