Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Fant^omas, Fant^omas, dit le courtier en vins, par piti'e, ne nous torture pas. Que veux-tu de nous ? Pourquoi dis-tu que tu nous as sauv'es ? Quel danger courions-nous ?
Fant^omas, car c’'etait bien lui qui se trouvait en face de Fernand Ricard, interrompit le courtier du geste :
— Silence ! Taisez-vous ! Devant moi, on ne parle que lorsque je le permets. Et d’abord, disait-il, voici mes f'elicitations mes amis. Oh, votre invention est admirable, votre coup d’audace tr`es fort, l’oncle Baraban… vous avez invent'e l`a quelque chose de superbe. Son assassinat vous fait le plus grand honneur, vous entendez ? C’est Fant^omas qui vous adresse ses f'elicitations.
Il rit encore, puis brusquement :
— Cet assassinat a 'et'e d’autant plus habilement fait, ajouta-t-il, qu’en somme, votre oncle n’est pas mort, vous ne l’avez pas tu'e ?
— Si, protesta le courtier, nous avons tu'e notre oncle, nous l’avons assassin'e, c’est pour cela que vous, Fant^omas, vous qui avez eu l’audace de r'eappara^itre sous ses traits…
Mais il n’acheva pas.
— Inutile de mentir, avait dit Fant^omas, je sais tout ! Parbleu, c’'etait trop 'etonnant, aussi, que vous refusiez de me dire o`u 'etait ce cadavre. J’ai voulu deviner votre secret, je l’ai devin'e.
Il avait parl'e cette fois tr`es vite, c’est tr`es vite encore qu’il reprit :
— Mais la com'edie est finie. Impossible pour moi de r'esister plus longtemps, mes amis, je suis d'emasqu'e. L’oncle Baraban que j’'etais n’est plus. Fant^omas a jet'e le masque.
— Vous ^etes d'emasqu'e, Fant^omas ? La police sait que vous teniez le r^ole de l’oncle Baraban ?
— Oui, r'epliqua le Ma^itre de l’Effroi, la police le sait, Juve l’a devin'e.
— Alors, nous sommes perdus.
Le Ma^itre de l’Effroi haussa les 'epaules :
— Pas encore, murmurait-il. Il ne vous reste qu’une chose `a faire : m’ob'eir.
— Vous ob'eir, Fant^omas ? Non. Jamais ! Nous vous ha"issons trop, ma femme et moi. Ce qui arrive est de votre faute. Sans vous, nous triomphions, et puis, apr`es tout, que risquons-nous ? Nous dirons la v'erit'e.
Mais encore une fois Fernand Ricard se tut, sans achever sa phrase.
Le regard de Fant^omas 'etait pos'e sur lui.
— Mon ami, vous direz, si vous le voulez, que vous avez tu'e M e Gauvin, voil`a tout ce que vous direz, et tout ce que l’on croira.
— Mais comment ? Mais je n’ai pas tu'e M e Gauvin.
— Sans doute, Ricard, ce n’est pas vous, puisque c’est moi. Seulement, on ne vous croira pas. On ne vous croira pas, parce que tout vous accuse, mon cher. `A partir du moment o`u Juve m’a eu d'emasqu'e, `a Paris, tout a 'et'e remis en jeu. Vous ^etes `a nouveau soupconn'e d’avoir tu'e votre oncle. Il vous reste `a expliquer, et cela vous est impossible, la disparition de cet honn^ete vieillard. Vous devrez pr'eciser pourquoi on a retrouv'e la malle jaune dans votre puits, et le mouchoir sanglant de votre femme rue Richer. Vous devrez dire comment il se fait que vous m’avez reconnu alors que je n’'etais pourtant pas votre oncle. Enfin, je vous le r'ep`ete, vous devrez vous d'efendre d’avoir tu'e M e Gauvin. Car j’ai assassin'e M e Gauvin. Cela sera difficile, Fernand Ricard, tr`es difficile, croyez-moi.
Fant^omas avait 'eclat'e de rire, semblait tr`es amus'e car, maintenant Fernand Ricard suait d’angoisse et se tordait les mains.
— Que faire ? g'emissait le courtier, que faire ?
— M’ob'eir. Il faut m’ob'eir, l`a est le salut.
Et comme Fernand Ricard ne disait plus rien, mat'e, dompt'e, n’ayant plus la force de r'esister `a son terrifiant adversaire, Fant^omas, sans se presser, tirait de sa poche son portefeuille, y prenait deux feuilles de papier `a lettre qu’il 'etalait sur les coussins de la voiture :
— Je vais vous dicter deux lettres, commenca-t-il. Voici mon stylographe, allons, vous entendez ?
Les 'epoux Ricard le contemplaient, fous d’'epouvante.
— Madame, reprit Fant^omas, en regardant Alice de facon imp'erieuse, je vous attends. Veuillez prendre ce porte-plume, veuillez 'ecrire.
***
Cependant, J'er^ome Fandor, demeur'e `a Vernon, bien malgr'e lui, fou de rage, d'esesp'er'e, se h^atait.
— J’en aurai le coeur net, grondait le journaliste, il faudra bien que Juve me dise ce qu’il en est. En tout cas, il me donnera un conseil.
Fandor courut comme un fou jusqu’au petit pays. En route, cependant, il se frappait le front d’un geste d'esesp'er'e.
— Nom de nom, disait le journaliste, mais c’est dimanche aujourd’hui, et le dimanche, le t'el'ephone ne marche pas.
Fandor, en effet, au moment o`u la voiture automobile enlevait devant lui Fernand et Alice Ricard, avait imm'ediatement pens'e `a pr'evenir Juve de cet accident.
— Sale administration des Postes, grommelait Fandor. Imb'ecile d’organisation francaise. Ah, ce n’est pas en Angleterre qu’on s’arr^eterait `a des inventions pareilles. Fermer le t'el'ephone. Si ca n’est pas honteux [14] !
Fandor, toutefois, se h^atait toujours. L’esprit fertile du journaliste n’'etait jamais embarrass'e longtemps.
— Je trouverai bien moyen, pensait-il, de t'el'ephoner, en d'epit de la fermeture du bureau de poste. C’est bien le diable si `a Vernon…
Puis, Fandor s’interrompit brusquement.
— Dieu que je suis b^ete, je n’ai qu’`a aller `a la gare. Toutes les gares de chemins de fer, en effet, et Fandor le savait bien, poss`edent une ligne t'el'ephonique. Cette ligne, en fait, n’est pas reli'ee au r'eseau de l’'Etat de facon permanente, mais 'etant donn'e la gravit'e des circonstances, 'etant donn'e qu’il s’agissait de t'el'ephoner `a Juve, au policier Juve, Fandor ne d'esesp'erait pas d’obtenir de l’administration des chemins de fer ce qui n’'etait en somme qu’une complaisance :
— Je vais t'el'ephoner au commissaire sp'ecial de la gare Saint-Lazare, pensait Fandor, et je chargerai ce fonctionnaire de t'el'ephoner de ma part `a Juve, au quatre cent trente-six z'ero z'ero [15].
Malheureusement, les diverses formalit'es `a remplir `a la gare prirent plus de deux heures. Le journaliste obtint bien, apr`es de nombreuses palabres, l’autorisation de t'el'ephoner au commissaire sp'ecial de la gare Saint-Lazare, il obtint bien encore que celui-ci t'el'ephon^at `a Juve, mais comme il demandait qu’on l’avert^it de la r'eponse du policier, Fandor devait apprendre avec d'esespoir qu’il n’y avait pas de r'eponse, pour la bonne raison que Juve ne se trouvait pas chez lui.
Fandor, alors, se sentit d'esesp'er'e.
Comme il traversait la salle d’attente, ne sachant trop ce qu’il allait faire, une pens'ee nouvelle lui vint :
— Bon Dieu, que je suis b^ete ! J’ai encore un autre moyen de pr'evenir Juve, je vais lui t'el'egraphier.
Fandor revint supplier le chef de gare et obtint cette fois, sans trop de peine, d’envoyer une longue d'ep^eche au policier.
Cette d'ep^eche, Fandor voulait la faire adresser `a deux endroits diff'erents :